Découvert au milieu des années 2000, Dan Michaelson fut d’abord le chanteur et leader d’Absentee, quintet londonien fortement influencé par l’indie-rock américain de la décennie précédente. Si le groupe, qui pouvait en résumé faire penser à quelque chose comme une version anglaise des Silver Jews, n’a hélas pas vraiment réussi à marquer les esprits, on a en revanche toujours conservé le souvenir tenace d’une voix pas tout à fait comme les autres. Un timbre grave et profond, proche de celui de Mark Lanegan, qui contrastait de façon assez spectaculaire avec la jeunesse de son propriétaire. Après deux albums plutôt honorables pour le label Memphis Industries, Michaelson décidait de mettre Absentee entre parenthèses. Suivront deux albums sous le nom de Dan Michaelson & The Coastguards, un peu moins rock que par le passé, et à l’écriture de plus en plus assombrie par l’influence du folk nord-américain, de Johnny Cash à Leonard Cohen.
Aboutissement de cette évolution vers des ambiances toujours plus tamisées, ce troisième album post-Absentee est avant tout le résultat d’un dépaysement radical. Ces deux dernières années, Dan Michaelson aura en effet passé le plus clair de son temps au fin fond du Texas, bien loin donc de la capitale britannique, et cela s’entend. Ecrit dans ce décor ô combien inspirant puis enregistré, produit et mixé par l’artiste à son retour au pays, « Sudden Fiction » apparaît comme le disque le plus captivant et cohérent de sa jeune carrière. Parvenant à tirer intelligemment profit d’une économie de moyens certainement plus subie que choisie au départ, le songwriter nous présente aujourd’hui ses chansons dans leur plus simple appareil, avec une émotion à fleur de peau. Les quelques instruments utilisés ici avec parcimonie (un piano, une guitare, une pedal steel et quelques fines touches de violoncelle) servent surtout à mettre en valeur les textes d’un auteur au chant plus habité que jamais. On parvient d’ailleurs au fil des écoutes à déceler une vraie correspondance entre cette écriture au style économe (le titre de l’album fait référence à un procédé littéraire consistant à raconter une histoire en ayant recours à un minimum de mots) et celle du grand Bill Callahan.
En seulement huit titres et un peu plus de trente minutes, sans doute le timing idéal pour ce type d’oeuvre très intense qui ne tolère pas d’écoute distraite, « Sudden Fiction » s’ajoute à liste de ces albums dont on pressent dès leur sortie qu’ils seront probablement voués à une certaine confidentialité. On rêverait pourtant de le voir partagé par le plus grand nombre. Car pour peu que l’on décide d’accorder du temps à ce grand disque automnal, on risque fort de ne plus pouvoir s’en séparer.