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Disques

Luke Haines – 9 ½ Psychedelic Meditations On British Wrestling Of The 1970s & Early 80s

Luke Haines - Nine and a Half Psychedelic Meditations on British Wrestling of the 1970s and early '80sL’idée même de « concept album » a de quoi faire fuir le plus endurant des amateurs de musique pop. Alors lorsque le concept en question a pour thème les lutteurs britanniques des années 70 et du début des années 80, on commence carrément à se dire que l’ami Luke Haines file un mauvais coton. Mais les derniers signaux discographiques plutôt encourageants envoyés par notre homme (« 21 st Century Man », 2009) nous incitent tout de même à prêter une oreille attentive à cette création, une nouvelle fois défendue par l’exigeant label londonien Fantastic Plastic, chez lequel l’acerbe ancien leader des Auteurs semble avoir trouvé le refuge idéal.

Comme l’explique l’artiste dans le livret qui accompagne l’album, nous sommes ici en présence d’un hommage. Un hommage passionné aux héros d’un sport (la lutte) qui aura durablement marqué le jeune Luke, enfant des années 70 britanniques. Les textes sont ainsi truffés de références à ces personnages hauts en couleurs (Mark « Rollerball » Rocco, le masqué Kendo Nagasaki et son tumultueux manager Gorgeous George, Giant Haystacks…) qui auront façonné l’imaginaire d’un adolescent ordinaire, passant ses samedis après-midi dans le salon familial à communier devant la grand-messe télévisuelle et populaire, « World Of Sport ». Les neuf titres – plus un court intermède parlé – de l’album lui donnent l’occasion de plonger chacun de ces fameux lutteurs, objets éternels de fascination, dans ce qu’il qualifie de « situations psychédéliques ». On n’est certes pas totalement persuadé que l’amateur éclairé de lutte britannique se passionnera pour ces nouvelles chansons, pas plus d’ailleurs que celles-ci ne feront naître chez les fans du songwriter d’intérêt soudain pour l’âge d’or de ce sport atypique. Gravé sur disque, le résultat de cet étrange concept se situe pourtant bien au-delà de nos attentes.

Débarrassées des encombrantes digressions glam-rock qui alourdissaient ses dernières productions, les compositions de Luke Haines retrouvent enfin une beauté et une intensité que l’on pouvait croire définitivement oubliées. Grandes chansons classiques de ce disque, les merveilles de pop acoustique « Gorgeous George » ou « Saturday Afternoon » tutoient de nouveau les sommets immaculés de « New Wave« , chef d’œuvre inaugural paru en 1993. On se dit alors que l’on avait terriblement manqué, durant toutes ces années, de ces moments de grâce où l’Anglais parvient à faire revivre le fantasme d’un mariage rêvé entre la flamboyance de David Bowie et le génie narratif de Ray Davies. C’est d’ailleurs plus que jamais dans la descendance de ce dernier que Luke Haines s’inscrit aujourd’hui, pour cette capacité à faire revivre, en musique, des pans entiers d’une culture britannique un peu désuète.

Jamais aussi saisissant que lorsqu’il décide de nourrir son écriture de ses propres obsessions, Luke Haines signe au final son disque le plus marquant depuis le cultissime « Baader Meinhof », autre « concept album » a priori un peu casse-gueule qui avait pourtant déjà débouché, il y a quinze ans, sur une réussite majeure. Du terrorisme politique allemand à la lutte britannique, on ne pourra que saluer l’originalité des influences d’un artiste insoumis, qui parvient une nouvelle fois à se démarquer avec panache du tout-venant d’une scène pop britannique avec laquelle il a toujours entretenu des rapports plus que distants.

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