Pour ceux qui auraient perdu le fil du fait de ses travaux annexes, EP, mix (Burgie’s Basement) ou disque commun du collectif Backburner (Heatwave), le titre de cet album remet les choses au clair : c’est le troisième que sort le Canadien Wordburglar. L’ordre n’a cependant pas grande importance, car depuis 2003, voire avant, c’est à peu près le même rap de bouffon que nous sert le rappeur d’Halifax, aujourd’hui relocalisé à Toronto.
Depuis toujours, Wordburglar s’amuse à réinvestir un rap qui semble avoir disparu depuis le Golden Age, au moins. Un hip-hop facétieux tout plein de blagues potaches, où l’entrain est le maître mot, où les beats tapent fort, où les samples et les scratches jouent toujours les premiers rôles, et où le plaisir de rapper reste le principal moteur (« So Much Time »), que le MC l’exerce seul, ou avec des collègues de même esprit, More or Les (« Rhyme O’Clock »), Timbuktu (pour un « Sneaky Neighbours » digne du meilleur Toolshed), voire plein d’autres sur le chouette posse cut « Steady and Stable », notamment le précieux Riddlore.
Cependant, il le fait avec son bagage, celui du Nord-Américain blanc, middle-class et gavé de pop culture, choisissant pour thèmes les comics (« Fred Broca », « Drawing with Words »), les voisins indélicats (« Sneaky Neighbours »), les grands frères qui impressionnent les amis (« Your Friend’s Brother »), invoquant tel champion de hockey ou encore Star Wars, Star Trek et les Transformers (« Sufficiently Suffonsified », « Dude, Where’s My AT-AT at? », « Your Friend’s Brother »), flirtant dangereusement ainsi avec la regrettable mouvance nerdcore.
Ça commence d’ailleurs comme une grosse blague, où Wordburglar se met en scène face à un fan collant qui l’assène de qualificatifs plus invraisemblables les uns que les autres. Puis ça embraye avec un morceau au titre improbable de… « Croque Monsieur ». Et après, ce n’est plus que ça : bons mots, boutades et galéjades, délivrés avec une versatilité et une facilité déconcertantes, et à peine interrompus par le sentimental « Point of Departure ».
Wordburglar, plus que jamais, est un pitre, un guignol. Mais un qui sait rapper et qui ne s’avère pas si indigne que cela de son modèle avoué, l’illuminé Kool Keith, d’ailleurs samplé sur « Drawing with Words ». Le Canadien est un clown, un plaisantin, mais il est capable d’albums que n’auraient peut-être pas reniés des revivalistes à la Jurassic 5 s’ils n’avaient été composés que de Blancs; et s’ils avaient été bons, accessoirement.