En marge d’une interview, il y a quelques années, Radioinactive me confiait tout le bien qu’il pensait de La Caution. Qu’un rappeur américain s’intéresse pour de bon à un groupe français, ça se note. D’autant plus que le passage des ans n’a rien émoussé de cet intérêt. La preuve en est que le titre le plus remarqué du nouvel album de l’ex-Log Cabin, le premier depuis Soundtrack to a Book en 2006, est une version en anglais de « Thé à la Menthe », co-interprétée par 2Mex, et intitulée pour l’occasion, en toute logique, « Mint Tea ».
Seulement voilà. Là où l’original était une évocation réussie des racines marocaines et de l’enfance du duo, une Madeleine de Proust en version rap, cette mouture anglophone nous donne à voir à la place deux touristes américains lourdauds en goguette dans une sorte de Disneyland arabe. Pire, cette impression reste la même sur l’ensemble de l’album : malgré ses couleurs chatoyantes issues des quatre coins du monde, peut-être même à cause de ces accents arabes (« Never Ends », « All U Gots 2 Know », « Antibiotics », « Gobo »), jamaïcains (« Gypsy Shoe »), balkaniques (« Bury Me Standing »), ou je-ne-sais-quoi d’autre (quid des barrissements et des chants d’oiseaux de « Trunk »), ce disque semble en toc.
Il y a quelques passages charmants pourtant, notamment au début, avec la mandoline et le saxophone de l’intro, avec l’entrainant ska aux saveurs gitanes de « Gypsy Shoe » et le flow volubile à la mode Project Blowed d’Ellay Khule et de Busdriver, ou avec les douces voix de « Outta Your Head ». Un peu plus tard, l’accordéon de « Air Organ Rio » est sympathique. Malheureusement, l’album ne confirme pas sur la longueur. Dès « Never Ends », soporifique malgré ses scratches, The Akashic Record sombre dans l’ennui. Et avec le chant pathétique de « Chump » ou la flûte misérable de « What It Do », il devient aussi peu notable que ces cartes postales kitsch qu’on envoie à Mémé depuis son lieu de vacances.
Tout cela, pourtant, n’est pas nouveau. Les escapades dans la musique arabe, clin d’oeil aux origines égyptiennes de Radioinactive, ce côté facétieux, cette volonté de goûter à toutes les musiques du monde, ces beats parcourus de « vrais » instruments, et bien sûr cette pochette où le rappeur recycle l’une de ses photos d’enfance : tout cela est habituel, c’était d’ailleurs la recette de base de Free Kamal, son disque le plus abouti. Mais alors, c’était encore frais et émoustillant. Alors que cette fois on est obligé, avec regret, de donner raison à ses contempteurs, à ceux qui ont toujours dénigré Radioinactive pour son flow, certes rapide, mais souvent linéaire, et pour sa world music de forain.