Vous avez aimé Action Bronson, notamment sur son « Blue Chips » sorti en début d’année ? Vous avez apprécié ce son new-yorkais rafraichi, remis au goût des années 2010, comme si la grande métropole de la Côte Est n’avait jamais cessé d’être la capitale du rap ? Alors, en toute logique, vous adorez déjà ou allez adorer cette autre mixtape, Respect the Fly Shit, dont l’auteur prévient d’entrée : « I ain’t bringing shit back New-York, we never left ».
Meyhem Lauren est un proche d’Action Bronson, membre avec lui des Outdoorsmen. On retrouve d’ailleurs le gros rappeur barbu sur plusieurs plages ainsi, plus épisodiquement, que le troisième larron du trio, Jay Steele. Mais ce n’est pas tout. C’est en fait toute une bande de New-yorkais, réunie dans un hôtel à l’occasion du festival SxSW d’Austin, Texas, qui est venue prêter main forte sur cette mixtape, comme AG Da Coroner, Heems de Das Racist, un Smoke DZA dont le récent album, Rugby Thompson, vaut lui aussi le détour, ce J-Love auprès duquel Meyhem Lauren a fait ses premiers pas, Roc Marciano, autre expert en revivalisme 90’s, mais aussi Sean Price, le vétéran du Boot Camp Clik, et même ce bon vieux Thirstin Howl III. De fait, Riff Raff est le seul ici à ne pas provenir de la Grosse Pomme ; on ne regrettera pas pour autant la présence ici de l’irrésistible bouffon texan.
Aussi, il ne faut surtout pas omettre de citer un autre New-yorkais, Harry Fraud. En plus de ses travaux remarqués pour French Montana, Wiz Khalifa, Juicy J, Rick Ross, plus récemment pour Curren$y et Isaiah Toothtaker, ou encore pour les Action Bronson, Riff Raff et Smoke DZA susnommés, le producteur le plus en vue de l’année 2012 a assuré une bonne moitié des beats de Respect the Fly Shit, laissant l’autre à Tommy Mas, l’homme derrière les sons de « Dr. Lecter ». Et les titres de notre beatmaker blanc aux cheveux longs, précisément, sont pour beaucoup dans la réussite de la mixtape.
Sur ce disque aux paroles dures, pleines de sexe et de drogue, mais dont ne sont exclues ni la dimension sociale (cf. « Pan Seared Tilapia »), ni des moments plus love (« Lets Hold Hands »), il y a bien du bon vieux boom bap comme autrefois, avec des samples aux accents soul (« Top of the World », « Grown Man Palettes », « Radioactive Tuna »), des beats sobres et minimalistes, comme avec ce « Drug Lords » d’époque ou, côté Tommy Mas, avec « Top of the World ». Mais la production d’Harry Fraud apporte aussi autre chose : une guitare menaçante et un orgue lourd sur l’introductif « Fingerless Driving Gloves » ; des chœurs et d’habiles changements de percussion sur « Special Effects » ; un orgue encore, mais plus enjoué, ainsi qu’une trompette en roue libre, sur « BBQ Brisket » ; un synthé insistant sur « Juevos Rancheros ». Soient un registre large et tout plein de petits détails qui apportent, avec le talent des MCs, un petit soupçon d’actualité à une formule éternelle.