Arrivée récente chez le Mad Decent de Diplo, possible collaboration long format avec Harry Fraud, mixtapes à foison, jusqu’à trois sorties le même jour ! Pas de doute, le phénomène Riff Raff s’est amplifié ces derniers mois. Et avec ce grand escogriffe texan au look indescriptible, c’est un peu comme si toutes les tendances de fond du hip-hop contemporain se rencontraient de manière caricaturale chez une seule et même personne.
Pour les rappeurs d’aujourd’hui, il n’est plus question que de marketing viral ? C’est précisément ce que privilégie Riff Raff (aussi écrit RiFF RaFF) depuis des années, occupant le terrain sur Internet avec la complicité du maître du genre, Soulja Boy. Il ne s’agit plus que de créer le buzz ? Là encore, notre Texan se distingue, avec une multitude de vidéos disponibles sur Youtube, quasiment autant que de titres enregistrés dans sa carrière, et sa participation à une émission de téléréalité sur MTV, From G’s to Gents.
Invasion du swag rap et des rappeurs au visage pâle ? Ce MC là aussi est blanc, et il aime l’absurde. Nihilisme, absence de sens, provocation gratuite ? Là aussi, notre ami tient la corde quand il se met en scène en train de rapper dans un frigo ou de sniffer de la coke, et par cette apparence invraisemblable où se mêlent cheveux longs, barbe fantaisie, colifichets puérils, et tatouages de Bart Simpson et de la carte du Texas sur le torse, entre autres. Ajoutez à tout cela ses talents au micro très approximatifs, et l’on tient là le repoussoir ultime pour tout nostalgique de classic rap entonné par des thugs du ghetto.
Seulement, voilà : Riff Raff, c’est bien. Pas systématiquement ; le rappeur n’est pas toujours supportable quand il freestyle et qu’il est seul au micro. Mais parfois, en particulier sur ses croustillantes collaborations (on l’a vu côtoyer des gens aussi divers que Snoop Dogg, Lil B, Action Bronson ou V-Nasty et Lil Debbie du White Girl Mob), il est assez irrésistible. Plusieurs de ses mixtapes, qui recyclent d’ailleurs souvent les mêmes titres, pourraient appuyer la démonstration, mais choisissons donc ce Golden Alien dont la pochette même donne un bon aperçu du personnage. Cette mixtape-là contient quelques titres précieux, en premier lieu ce craquant « Orions Belt », où Riff Raff bénéficie du renfort de la jouvencelle Kitty Pryde, autre Internet MC dont la voix adolescente et mutine fait ici tout son effet.
Pour l’essentiel, ça tourne à la blague. Les regrets de « Lil Mama I’m Sorry » sont aussi en toc que l’interminable nappe de synthé qui l’accompagne, et le rappeur s’autorise le kitsch de refrains chantés en auto-tune sur « Freeze Dried » et « Break Away ». Plus tard, avec la complicité de Diplo à la production, il récidive sur un « Rice Out » qui s’engage pleinement sur la voie du dance rap. Et même le style local screwed & chopped sur « Big Drank » sonne inhabituellement sautillant. Quant aux paroles défiantes de « Bat Phone », elles paraissent moins menaçantes quand on apprend que c’est via des smart phones que le Texan défie ses adversaires du jour. Cette mixtape, et au-delà tout Riff Raff, c’est en fait le pied de nez ultime à la notion hypocrite et surcotée d’authenticité. Et pourtant, à cause de cela précisément, c’est parfaitement juste. C’est, comme on l’a déjà dit, tout simplement bien.