S’il faut remonter huit ans en arrière pour retrouver la trace d’un véritable album solo du francophile Ken Stringfellow (« Soft Commands », 2004), le garçon n’aura pourtant pas vraiment chômé entretemps. Deux albums avec son projet The Disciplines, un magnifique « Blood/Candy » signé des incontournables The Posies, mais aussi ses activités de production : l’Américain est un homme occupé. Aujourd’hui de retour sous son propre nom, il nous livre un album beaucoup plus varié que d’ordinaire, donnant ainsi l’impression de couvrir pour la première fois sur un même album le spectre de ses nombreuses influences, du glam-rock aux musiques afro-américaines en passant par le folk, bien loin donc de se limiter au traditionnel axe power-pop dont il est devenu l’une des figures emblématiques.
Sur le ton de la confession, l’émouvant « Jesus Was an Only Child » annonce la couleur d’entrée : éminemment personnel, « Danzig in the Moonlight » ne sera pas, comme son intitulé aurait pu le faire croire, un hommage décalé à Thin Lizzy. Démarrant telle une belle ballade pluvieuse au piano, cette chanson introductive laisse peu à peu les guitares prendre le pouvoir jusqu’à se transformer en un potentiel tube pop radiophonique. Passé cette mise en bouche, on comprend dès les premières notes de la deuxième plage que ce disque ne sera en aucun cas celui du surplace. Un harmonica accompagne à merveille l’atmosphère paisible de « 110 or 220V », bel exercice d’americana crépusculaire et premier vrai temps fort de l’album. Autre sommet immanquable de cette jolie chaîne de pics mélodiques, l’entraînant « You’re the Gold » (et son accordéon un peu osé, mais finalement pertinent) condense en deux minutes et trente secondes tout le savoir-faire pop de notre Parisien d’adoption. Ailleurs, qu’il laisse fièrement parler les cuivres (« Drop Your Pride ») ou qu’il s’autorise une révérence malicieuse à la soul music la plus moelleuse (« Pray », sur lequel son irrésistible falsetto fait des merveilles), Ken Stringfellow fait preuve d’une endurance confondante. De ce joli chapelet de chansons à l’humilité exemplaire, la plus immédiatement touchante restera sans doute « Doesn’t It Remind You of Something », somptueuse complainte folk délicatement roucoulée en compagnie de la chanteuse Charity Rose Thielen du groupe The Head & The Heart, qui renvoie aux mémorables flirts musicaux de Nancy & Lee. Un titre attendrissant qui résume l’esprit de cet album d’une sincérité évidente, et qui nous rend un peu plus soutenable l’attente du retour tant espéré de The Posies.