Loading...
Disques

V/A – We Are Unique! Is 10

V/A - We Are Unique! Is 10

De caractères au pluriel, le catalogue du label en est rempli. Forcément, on ne bâtit pas 10 ans d’activisme musical avec du neutre. Mais la vision d’ensemble m’a donné l’impression d’une forte cohérence, avec une sorte d’ADN que l’on retrouverait un peu chez chaque musicien. On est réellement en présence d’une ligne éditoriale, un refus constant de céder à la facilité, et cela se retrouve dans la formule même de ce retour sur les dix ans. Loin de céder à l’autocongratulation, le coffret ne propose pas de « meilleurs titres », avec une sélection molle de titres forts. Non, ici, c’est du neuf ou de l’inédit, et on a fait participer les copains sur les deux derniers disques, histoire de démontrer que la famille We Are Unique a des ramifications, des proches en grand nombre, et que si retour sur le passé il y a, il doit se faire avec un oeil neuf. Toujours la création.

Vertigineux, c’est un peu le sentiment que l’on éprouve quand on ouvre le boîtier et que l’on mesure l’étendue du travail colossal abattu par l’équipe de We Are Unique. 10 titres + 19 + 10 + 10 = 49 titres. Une forêt dense, mais dans laquelle j’ai évolué avec délectation. Mes expériences avec les artistes du label avaient donné envie d’en savoir plus, de pousser un peu plus loin l’exploration de cette sensibilité qui rend leur nom si justifié.

L’entrée en matière est cette initiative maligne de faire collaborer ensemble plusieurs groupes du label, autour d’un projet commun, The We Are Unique! Ensemble. 10 titres en sont sortis, et l’impression d’avoir dans les oreilles des musiciens qui parlent la même langue mais sans utiliser les mêmes mots, sans que jamais cela n’entrave la créativité. Si l’on peut s’amuser à essayer de découvrir qui se « cache » derrières certaines atmosphères, mais ce n’est pas vraiment le but. Et les chansons se laissent apprécier chacune à leur façon, avec cette patte reconnaissable entre toutes, cette élégance qui font que les chansons sont aussi réussies, qu’il y soit question de grosses guitares rageuses (« Lazy Something (I Won’t Sit Idly », chanté à pleins poumons avec l’énergie punk qui va bien !), de ballade folk-blues triste à pleurer (« Fragments »), de lo-fi torturé (« Download Your Credibility »), de cavalcade folk luxuriante (« Inception »). A haque morceau, nouveau tournant, nouvelles idées, page blanche ou presque : subsistent cette joie de jouer ensemble, cette émulation perceptible entre les musiciens, qui font, comme dirait une de mes connaissances, un excellent travail individuel et collectif. Bref, ensemble, We Are Unique!, ça marche aussi.

Le disque d’inédits et titres rares sonne, une fois écouté, comme une petite injustice. Comment 19 chansons aussi abouties, aussi marquantes ont-elles pu rester inaccessibles ou presque ? Mais je suis là dans un léger regret, et encore une fois, le propos n’est pas là. Alors, prenez vous aussi le temps de vous plonger dans ces titres qui explorent vaillamment toutes les composantes de l’indépendance d’allure et d’esprit. On capte des bribes de post-rock ar ci par là, de folk torturé et creusé à l’os, de la pop lo-fi qui sent bon la récréation éminemment appliquée, de rock sans posture. Il y a l’excellente Raymonde Howard, cette Stéphanoise à la guitare râpeuse, limite mauvais genre (« Loubard »). Il y a la Belge Half Asleep et sa sensibilité à fleur de peau. Le diabolique Mickaël Mottet, qui en bon diable, prend des habits toujours différents (Angil Was a Cat, Angil, Jerri, Del) mais exerce toujours le même pouvoir d’attraction. Le rock toujours ample de Ichliebelove, qui lâche les chevaux sur « Gods Are Smilling on Me », ou encore les atmosphères propres à Lunt. Puis il y a tous ceux que je connaissais pas, comme Melatonine, qui ouvre le disque d’un envoûtant « John Walsh », dont je n’arrive pas à me défaire de la caresse menaçante, Jerri avec son lo-fi en bandouillère, B R Oad Way et son folk aérien ou encore la shiny pop d’Electrophönvintage. Je sens confusément que j’en oublie. C’est injuste, mais sachez que c’est une mine de 19 trésors, et que ce deuxième disque va stopper violemment la suite de votre écoute du coffret, tant il est dur d’en décrocher.

Puis les deux derniers CD trônent. Ils attendent. Il y a un risque : comment vais-je retrouver le feeling We Are Unique! ? Alors, j’ai regardé la liste des participants. C’est marrant : il y en a certains, j’aurais parié sur leur présence. D’autres que je suis tout simplement content de retrouver ici. Le reste ? j’écouterai, forcément avec attention, car s’ils sont là, c’est qu’il y a un truc, qu’une étincelle peut prendre.

Le casting fait quand même très envie : françoiz Breut qui joue avec Half Asleep, Milkymee, Jullian Angel, Novö, Rubin Steiner, Laetita Sadier (avec Angil, quelle belle idée !), Odran Trümmel. Du bon, du beau, de l’indépendant là aussi avec une patte reconnaissable. Le résultat est à la hauteur des promesses. Il y a de la surprise, des relectures qui semblent tellement à l’opposé de ce qui faisait la version originale que je suis désarçonné, mais ce n’est pas désagréable. C’est une prise à bras le corps des chansons auxquelles on assiste : Milkymee, par exemple, creuse un sillon blues sur « Chemical in Need » de Raymonde Howard, quand Baka! voit son « Baka Baked » remixé par David Fenech, exercice de cuisine inventive et dépouillé à la fois. Les perles sont peut-être le travail de Novö sur « Seitseman » de Melatonine (subtil, rythmé et aérien à la fois), celui de Midget! sur la chanson de Half Asleep (« (Une histoire d’)astronautes-marins-pêcheurs » est repris à la perfection, avec autant de sensibilité que la magnifique version originale), « How Quiet! (toujours de Half Asleep, ça ne s’invente pas) sensualisé jusqu’au dernier degré par le duo Angil – Laetitia Sadier ou encore le travail de Laudanum (sur « Alternate Key » de Ichliebelove) et de Rubin Steiner (sur « Cum-operated » de Jerri). Faire la liste des réussites de ces 2 x 10 titres serait trop long (allez, les travaux de Arno Mori et Old Mountain Station sont eux aussi remarquables…). Car chacun, en acceptant de se lancer dans cette entreprise un peu folle, a visiblement intégré l’exigence de qualité qui est la marque de fabrique du label depuis 10 ans.
10 ans, ça marque les esprits. Dans la musique, c’est d’autant plus long. Il reste à espérer que Arno Mori annonce l’avenir avec sa reprise de « The Bright Period » (de A Place for Parks). Le titre est ce que l’on peut souhaiter de mieux à We Are Unique! : que ce magnifique ojet de célébration soit aussi un jalon pour de belles futures aventures. Unique, ensemble, pour une période brillante.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *