J’ai toujours eu un rapport intermittent avec la musique de The Delano Orchestra. Pleine de charmes, aussi réservée que passionnée, je la pensais très exigeante, en tout cas pour être pleinement appréciée. Alors j’ai tissé une relation un peu en pointillés, mais je savais que le groupe trouverait toujours le moyen de me toucher.
Et force est de constater que c’est chose faite avec « EITSOYAM ». Et le sentiment d’être dans un disque écrit, pensé comme une oeuvre unique qui fait sens m’a réellement saisi. Sans aller jusqu’à trouver le disque « scénarisé », la tracklist et l’enchaînement des morceaux dressent un tableau dont les couleurs changeantes s’apprécient au mieux dans l’ordre. Mais ce n’est pas pour autant que la formation emmenée par Alexandre Rochon a balisé intégralement son disque. Chaque titre a son identité, avec des liens forts entre chacun d’entre eux (Sparklehorse, Sigur Ròs, Grandaddy pour quelques sonorités), mais aussi des atmosphères qui se rapprochent, jamais totalement lumineuses (la pochette bleue évoque bien ce passage où le jour devient nuit, et où tout a la même lumière ou presque, brouillant les repères) mais où l’obscurité est régulièrement percée. Parfois, c’est par un éclat de trompette, chaleureux et vivant (« Always »), souvent par des guitares mordantes (« Candle », « Breathe » qui donne en effet envie d’ouvrir en grand ses poumons et d’inspirer à fond, « Wake Up »), et The Delano Orchestra ne manque ainsi jamais une occasion d’étaler sa générosité instrumentale et mélodique. Que le tempo soit mélancolique (« Girl » en forme de caresse exquise, « Dreams » et « Summer » qui forment un parfait dyptique de fin de disque) ou moins, The Delano Orchestra a sur ce disque, à chaque morceau, trouvé comment me faire succomber, ce qui est la marque d’un groupe rendu maître de son art.