Je ne l’espérais plus, ou presque. En 2010, Aufgang avait débarqué comme une bombe dans mon petit univers musical, le temps d’un premier album érudit et électrisant. Puis j’avais écouté Francesco Tristano mener une carrière d’une belle densité, à l’instar de ses copains d’Aufgang.
Il fallait repartir à zéro ou presque pour le groupe. Impossible de se répéter, car cela aurait sans doute tué tout le plaisir, qui est à la base de la musique du trio. Le changement, c’est maintenant, comme disait l’autre. C’est en tout cas ce qu’insinue « Kyrie », entrée en matière pour la moins puissante et… synthétique. Oui, le piano s’efface quelque peu au profit de rythmes syncopés, lourds et incroyablement puissants, que viennent finalement aérer les notes des pianos de Rami Khalifé et Francesco Tristano. Dés ce premier titre, on est déjà dans du Aufgang, sans y être pleinement, c’est à la fois déconcertant et exaltant : le parfum de la danse se fait menaçant sous des rythmes à la technique imparable. Mais c’est « Balkanik » qui fait basculer le disque…
Autant le dire, ce sera très probablement un de mes titres favoris de l’année ! Piano subtil et incisif, une batterie inépuisable (gros travail d’Aymeric Westrich sur tout le disque d’ailleurs) et des rythmes (encore) qui rappellent l’Orient : le cocktail est remarquable, et la virtuosité des musiciens tournée uniquement vers le plaisir de la danse, à l’instar de ce qu’ils ont connu vraisemblablement lors de leurs études, ou plutôt de leurs sorties dans les clubs. Il y a aussi ce léger parfum de danger, qui finit de rendre le titre addictif.
Mais loin de se contenter d’un coup d’éclat, c’est bien sur la durée qu’Aufgang séduit et prouve qu’il n’a rien perdu de son inspiration. Des rythmes lourds et menaçants, déroutants tant ils convoquent une ambiance menaçante, il y en a beaucoup (« Abusement Ride », titre déglingué où les voix cohabitent avec un climat anxiogène , « Diego Maradona », « Vertige », absolument… vertigineux). Mais ceux-ci sont parfaitement alternés avec de purs moments de grâce, tel « African Geisha », tout en piano-et cordes. « Stroke » s’impose lui par le sentiment de vitesse impressionnante qu’elle dégage, avec la montée en puissance de la batterie. Bref, Aufgang nous balade allègrement, et le fait en condensé sur « Rachael’s Run » : entre chevauchée épique et cavalcade furieuse, tout en changements de rythmes, c’est un peu l’étalage de tout ce qu’Aufgang est capable de faire. Changer, avancer, sans oublier le plaisir : le trio réussit une fois de plus cette formule magique.