2013, année balèze : Sexy Sushi revient, et pas qu’un peu, puisque l’étrange créature bifide met les bouchées doubles avec « Vous n’allez pas repartir les mains vides ? », deux CD simples pratiquement identiques (mix, tracklisting) intitulés à l’allemande d’après les pseudos du duo : « Fraülein Warrior » et « Herr Silver ». Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour dépister derrière ce faux-double le proverbial foutage de gueule qui fait le charme si singulier de Rebeka et Mitch (comme ils disent…). « Vous n’allez pas… » défile, et tel l’ivrogne tintinnabulé, on écoute double autant qu’on voit. Jeu des sept erreurs : les virgules/jingles changent, un morceau chanté chez Rebeka devient instrumental chez Mitch dont les mix, en général, sont plus rugueux – mais les commentaires qu’il ajoute sur « Les pommes », façon choeur antique, le rendent encore plus drôle (« D’après moi, ils sont cons »). Mettons que le disque de Rebeka est plus « romantique allemand », d’un chouïa. Il contient d’ailleurs, tout penaud à son bout, un chef-d’oeuvre, « Calvaire » qui délaye « Vie de Merde » dans « Un Jour sans Fin » avec une surprenante touche beckettienne (Théo, c’est Godot, non ?). Remarquablement écrit comme à peu près toutes les chansons de Sexy Sushi (y compris les moins NSFW, comme on dit chez les anglo-saxons, du genre « Petit Pd », « Tu dégages », « Enfant de Putain/Salope ta Mère) », « Calvaire » montre bien qu’il y a autre chose derrière le comique-troupier électro-punk auquel on les réduit trop facilement. Enumérons :
– Sexy Sushi est un groupe chrétien qui pratique le blasphème parce qu’il croit trop fort et que l’imagerie est trop belle (« Stabat Mater », « J’aime mon Pays » hirsute juste ce qu’il faut, comme si Coutin salopait du Kraftwerk).
– Sexy Sushi est un groupe situ tout sale qui honnit l’époque (« Je refuse de travailler », l’un de leur meilleurs textes).
– Sexy Sushi est un groupe fleur bleue qui se permet des chansons d’amour souffrantes que pourrait reprendre Lorie ou n’importe quel bulot de la Star Ac’ (le délicat « Retour de Bâton », cousin germain du « Logic Coco » de Mansfield.TYA, où l’on apprend que « C’est toujours un peu dangereux/De s’attacher à qui que ce soit » – c’est vrai en plus ! (Ndlr)).
– Sexy Sushi est un groupe atomique qui déchire tout sur son passage (« La Bombe », brut de pomme et à double sens évidemment).
– Sexy Sushi est un groupe qui n’a pas peur du moche ; avec ses collages de voix narrant une histoire débiloïde sur fond de larsen et de Bontempi zigzaguant, « Je Doute » est ce qu’on a entendu de plus rebutant depuis longtemps – ex-aequo avec l’horrifique « Je ne suis pas satisfaite du tout » – et malgré cela, il sera difficile de se chasser de la tête la dernière ligne – « Mais est-ce que tu es vraiment ma meilleure amie ? » – prononcée d’un ton dubitatif/ venimeux par une enfant qu’on devine monstrueuse (d’où le caustique « Il faut plonger les Enfants dans des Cuvettes de Sang »).
Tout ça, donc, fait qu’on est à la fois comblé/roulé dans la farine. Sexy Sushi, c’est l’amour vache qui déchausse les dents et fait rêver à la fusion chair-esprit, du n’importe quoi très sérieux qu’on prend honnêtement pour l’un des tout meilleurs groupes français en activité, l’air de rien, ce qu’on n’ose avouer de peur d’être décrédibilisé (et même pas moyen de rattraper le morceau en disant qu’on a-do-re le dernier Mendelson, puisque on ne compte pas l’écouter – sauf, en Enfer, peut-être…). Toute honte bue, Sexy Sushi nous botte, un bon coup de pied au cul et ça repart !