Si je suis attaché à « Set The Twilight Reeling », ce n’est pas pour sa qualité intrinsèque, c’est parce qu’il est une bonne madeleine des mes années d’étude. C’était l’époque où on achetait encore des Cds en édition limitée : telle cette pochette jaune dans son boîtier cristal bleu profond qui donne à l’ensemble un beau violet et trois possibilités. Je crois me souvenir aussi d’un passage live dans Nulle Part Ailleurs, et d’une interview de Laurence Romance qui n’en pouvait plus de « HookyWooky » (avec ses paroles profondes : « Ouuuuuh ! I wanna hookywooky with you ! « ). C’était aussi le temps où Loulou faisait le brooklynois malin en caméo dans « Blue In The Face » de Paul Auster et Wayne Wang. Oui, oui, tout le monde lisait Paul Auster à l’époque et certains jeunes déjà vieux ne juraient que par les vieilles idoles de la génération précédente. Ziggy Pop n’était pas mort et Lou Reed non plus puisqu’il était interviewé par Laurence Romance sur M6.
Sur ce disque plutôt lumineux, Lou nous fait son cinéma avec « Egg Cream » en forme de clin d’œil à Jarmusch époque Benigni (« you scream ice cream, we all want egg cream »), et pas chien, nous file ses bonnes adresses à NYC avec une guitare en fusion pas piquée des hannetons.
C’était aussi l’époque de « la » fusion, en témoigne la lourde basse-fretless sur la plutôt fine-ligne claire « NYC City Man » qui joue le name dropping en mode Shakespeare (j’avoue que cela m’impressionnait à l’époque alors qu’aujourd’hui ça sonne quand même comme le fond de tiroirs à chaussettes trouées de Loulou).
Dans l’ensemble d’ailleurs, les guitares se tiendront dans ce grand écart inaugural (notons les superbes éclairs de tonnerre sur « Trade In », simples mais toujours efficaces).
On passera sur la pochade anti-politiquement correct (« Sex With your Parents ») et le coquin-coquinou « HookyWooky » qui faisaient l’actu à l’époque. On retiendra le rugueux et amoureux « Adventurer » (ode à Laurie Anderson, muse omniprésente) et le délicat « Set The Twilight Reeling » finissant en cavale déchaînée avec des guitares juste parfaites.
Avec « Riptide », Lou joue les gros bras et montre qu’il peut encore rivaliser, parfois, avec Neil dans un registre lourd et lent lorgnant vers « Ragged Glory ».
Ce n’est peut-être pas sa meilleure chanson mais elle a au moins le mérite, sur un plan très personnel, de m’avoir emmené à Amsterdam voir le dernier tableau de Van Gogh. Les deux sont curieusement restés associés à jamais pour moi, comme le bleu du ciel peint par un Hollandais et celui d’une pochette de plastoc mais je vais encore me mettre à coller du Proust partout et de la mémoire involontaire donc stop. Petite pochette en plastique bleu, petite pochette en plastique bleu…