Sa découverte en 2011 fut un véritablement ravissement ; a priori largement partagé par la critique et le public. Il faut avouer que “Whokill” exhalait une fraîcheur bienvenue et singulière plus tellement ressentie depuis les débuts de CocoRosie. Merril Garbus s’y présentait avec sa musique de peu, son D.I.Y nouveau siècle ainsi qu’un bonheur rare de chanter. Trois ans plus tard, voici “Nikki Nack”, livraison que l’on commençait à désespérer d’entendre, un peu orphelin de son bel organe et de sa magie de mélodiste.
Autant le dire sans détour : l’attente valait largement le coup et cette troisième référence se pose d’ores et déjà comme l’album le plus abouti de la native du Connecticut, osant une espèce de sophistication dans le funambulisme, confirmant à la fois le plaisir presque enfantin de faire un disque et le soin permanent de ne pas livrer un disque de plus. Soit un recueil de 13 titres vibrant et incarné scellant à la perfection la complicité entre Garbus et Nate Brenner.
Fidèle à la méthode du cadavre exquis, le tandem dévoile son ambition sur “Find a New Way”, ouverture fort à propos et programme à venir, à savoir un voyage aux contours polyphoniques, entre samples astucieux, boucles discrètes et instrumentation éclectique — Merril Garbus étant parti apprendre l’art délicat du drumming caraïbéen à Haïti. Il serait dès lors tentant d’en déduire que ce séjour a exercé une indéniable influence sur l’humeur générale tant “Nikki Nack” transpire de vitalité… Ou faut-il y voir l’appui des producteurs Malay et John Hill, connus pour leur travail avec Big Boi, Frank Ocean et M.I.A ? Difficile de trancher et, après tout, qu’en a-t-on franchement à secouer ?
De même, est-il malaisé de tenter de classer sous registre idoine ces chansons qui inventent — qui sait ? — une forme de R’n’B moderne en rupture totale d’un genre devenu le tout venant daté et prévisible de la variété contemporaine. Ici, les beats ne se livrent à nulle débauche luxuriante, la voix passe certes dans mille et un filtres mais évite la tentation auto-tune, c’est souvent uptempo mais jamais taillé pour le club à l’image de “Hey Life”, osant l’arpège de clavecin à l’ère post-twerk.
Tour à tour éthéré voire cinématique (“Stop That Man”) puis groove version martiale (“Sink O”, “Left Behind”), tUnE-yArDs sublime sa versatilité sans effort apparent, transformant chaque titre en pièce unique où le chant se met au service d’un storytelling virtuose.
Synthétique mais sans cesse déviant, “Nikki Nack” a congédié le ukulele d’hier mais n’a pas oublié en chemin cette incroyable faculté à écrire des comptines où l’absurde le dispute à l’étrange ni de potentiels hits tel “Wait For a minute” digne du “Maxinquaye” de Tricky.
À une époque ne cessant de décliner jusqu’au vertige les poses revivalistes — le post-modernisme pour seul bagage —, Merril Garbus apparaît clairement comme affranchie, faisant montre d’assurance et non de supériorité. Modeste mais si forte.