Pas évident quand on est français de se lancer dans un projet sur une figure aussi emblématique que Woody Guthrie. Seb Martel, que l’on a croisé à maintes reprises (Jim Yamouridis, Piers Faccini, Camille) a su s’entourer (de Catman d’un côté, d’une danseuse et chanteuse, Dorothée Munyaneza, de l’autre) pour ces 12 morceaux, qui prennent place sur ce disque, divisé en 3 “trains”. Ils méritent que l’on y embarque.
Entre blues des origines, folk et spoken words, cet album se livre à un mélange des genres et des styles heureux. Si la tonalité est plutôt rugueuse, il y a un vrai sens du récit, grâce aux textes de Woody Guthrie mais aussi grâce à la sobriété de l’ensemble (guitare, batterie, harmonica et quelques machines discrètes). Les passages parlés, en français, sont autant d’occasions de poser le contexte, qui permet aux morceaux de prendre tout leur sens. Si la tonalité évoque des gueules cassées, des personnages ayant bourlingué plus que de raison (“This Land is Your Land”), il y a souvent de vraies poussées d’énergie (“Pastures of Plenty”, “Union Burying Ground”), quand celle-ci ne reste pas enfouie (“Machine Man”, menaçant tout du long d’exploser). L’errance propre à l’époque et les personnages évoqués s’incarne dans les titres les plus folk comme “I Just Want to Sing Your name” ou “End of My Line”. On se gardera aussi sous le coude la comptine (“Hobo’s Lullaby”) pour faire venir le sommeil quand sera venu le temps de se poser, à la descente du “Train #3” par exemple. Toujours est-il que ce parcours à l’atmosphère unique témoigne à la fois d’un grand respect pour Woody Guthrie, mais aussi d’une volonté d’incarner sa musique au travers d’un projet qui évite l’exercice de style : réussi, indéniablement.