Le temps passe. Les rencontres se suivent, puis finissent par s’espacer. L’intérêt initial se tarit peu à peu, les émotions semblent condamnées à un inexorable effritement. Et soudain, voilà que tout redémarre, que tout s’embrase comme aux premiers instants. Il en va ainsi des liens qui nous unissent, depuis presque deux décennies, à Elysian Fields. A titre d’exemple, tandis que l’indispensable « Queen of the Meadow » (2001) gardera pour toujours une place de choix dans notre panthéon des disques qui comptent vraiment, la plupart de ceux qui lui ont succédé se sont contentés, à quelques exceptions près et en dépit d’une qualité constante, d’entretenir une flamme toujours un peu plus vacillante. Pourtant, avec ce neuvième album paru au printemps dernier, Jennifer Charles et Oren Bloedow ont de nouveau suscité chez nous une excitation franche et durable. Fidèle aux nocturnes mélancoliques qui ont forgé sa troublante identité, le duo américain ne cherche en aucun cas à prendre son auditoire par surprise. C’est au contraire parce qu’il préfère creuser son propre sillon, sans craindre de s’auto-parodier, que le groupe accomplit le petit miracle de séduire à nouveau pleinement. Entre pop éthérée (« Next Year in Jerusalem »), jazz west coast voluptueux (« She Gets Down » avec le sax de James Chance), art-rock charbonneux (« This Project ») et rêvasserie acoustique (« Frank, You Ruined Me »), Elysian Fields s’applique encore et toujours à traduire en chansons ces tranches de vies cabossées typiquement new-yorkaises. Classieux et particulièrement long en bouche, « For House Cats and Sea Fans » ne fait donc rien d’autre que prolonger le fil d’une histoire déjà bien connue. Il en constitue néanmoins l’un des épisodes les plus captivants.
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