C’est marrant, j’ai écouté pour la première fois ce disque quand j’ai commencé le livre de Pierre Lemaître sur la Grande Guerre. Baptiste W. Hamon en a fait le théâtre de ces cinq chansons, qui prennent racine dans l’horreur d’une guerre pas si loin de nous.
Cela aurait pu être pesant, lourd de symboles. Mais Baptiste W. Hamon, songwriter bien de chez nous au talent qui m’étonne toujours autant que quand je l’ai découvert, ne fait rien comme les autres il faut croire. En tout cas, sur moi, l’effet est immédiat : “Bobby déserteur” me flanque des frissons en quelques mots, quelques notes. Ce n’est que le début d’un disque qui ne descendra jamais dans son émotion, dans sa sincérité. Pour cela, le Français s’appuie sur des carnets de Louis Hamon (un aîné disparu au combat en 1916), un livre de Blaise Cendrars et l’histoire d’Alan Seeger (oncle de Pete), lui aussi disparu dans cette guerre.
La forme est généreuse, avec un casting très large de musiciens (de Kim Giani à Michelle Blades, en passant par Cléa Vincent, Alexandre Bourit, sans compter le cousin Corentin Hamon à la basse et responsable de l’artwork) et donne beaucoup d’ampleur aux titres. Une belle manière de rendre hommage aux textes, incarnés de la voix de Baptiste Hamon, et qui serrent forcément le coeur parce que toujours à hauteur d’hommes. Pris dans leurs envies d’évasion (“Bobby déserteur”, en quête d’un avenir quand tout semble condamné), la résignation devant l’absurde d’une guerre (“Tranchées”) et la vie qui s’éloigne (“Hindenburg”, “I Have a Rendez-vous With Death”). Pleine d’images, évocatrice sans pathos de ce que signifiait penser à “l’ailleurs” pour les soldats du front (“Ballade d’Alan Seeger”), ces chansons sur la grande guerre se montrent admirablement à la hauteur du sujet abordé, avec tout le talent auquel Baptiste W. Hamon nous habitue disque après disque.