Après la parution d’un album hanté de rythmiques lancinantes, hommage au krautrock, Lower Dens fait une échappée belle vers la lumière pop d’ »Escape from Evil ».
Le pouls des ballades lancinantes de « Nootropics », deuxième opus sorti en 2012, s’est considérablement accéléré, allégeant à première vue le poids porté par le précédent disque du quatuor de Baltimore. Il atteint parfois la désinvolture pop 80’s de « Non Grata » ou la fulgurance du premier single extrait de cet album « To die in L.A. », qui a tendance à rappeler l’unique album de The Organ, « Grab that gun ». On ne s’étonne guère quand Jana Hunter, chanteuse et productrice, se réclame pour ce nouvel album des mêmes influences que ses collègues canadiennes, à savoir The Smiths : les nappes de guitares de « Sucker’s Shangri-la » résonnent en ouverture comme un hommage à l’intro de « How soon is now ».
Malgré ses trouées vers de potentiels tubes synth-pop, ce disque cache dans chacun de ses recoins un monstre qui lutte pour trouver la lumière, l’espoir dans l’humain : la solennité, martelée, des « never again » dans « Your Heart Still Beating » (où la chanteuse évoque comment elle a pu venir en aide à des amis faisant l’expérience du deuil), et les élans beaucoup plus retenus de « Quo Vadis » ou d’ »Ondine », aux arpèges très The Cure. La voix de la chanteuse, rappelant souvent celle de sa compatriote de Beach House Victoria Legrand, porte de toute sa profondeur des paroles aux thèmes pessimistes – addiction, dépression, relations toxiques dans lesquelles Jana Hunter admet jouer parfois le rôle du pervers-narcissique. Mais cette voix, grave, atteint régulièrement des aigus dramatiques qui déchirent par exemple la quatrième minute du premier morceau. Le climat orageux sur « Electric Current » nous engage à attendre le pont fait de basses tendues qui vient en fait clore le titre. Cette conclusion mène à des chemins plus familiers : « I Am the Earth » renoue avec la batterie heurtée qu’on entendait sur « Nootropics » où les chœurs tragiques de Jana Hunter s’étirent dans un spleen qui ne semble avoir pour limite que les 5 minutes du morceau.
L’effet des sombres et lentes drogues dont « Nootropics » avait envoûté nos esprits se dissipe en partie, moins persistant sur certains titres, au profit d’une synth-pop bardée de riffs étincelants sur d’autres. Un éclat apparent qui ne dissimule toutefois pas le besoin qu’a l’auteur de « Escape from Evil » de tendre un miroir aux compartiments les plus obscurs de son âme, et par là même à ceux de ses auditeurs.