Quelle est la place d’un disque de rock dans le paysage musical actuel ? Cette musique qui a été tellement signifiante, déterminante et chargée de sens, qu’en reste-t-il ? Johan Asherton tente de nous donner la clé de cette énigme avec son nouveau disque, premier album électrique de sa part depuis plus de deux décennies.
Le grand public connaît principalement Johan Asherton pour les magnifiques albums de veine folk qu’il a publiés en solo depuis maintenant plus de vingt-cinq ans. On a, dès lors, tendance à oublier que Johan fut, à l’aube des années 80, le leader des Froggies, combo rock’n’rollien livrant une musique fortement abrasive et chargée en électricité. Il fut également l’homme qui plaqua ces riffs rageurs sur le magnifique « Le Seul Garçon sur Terre » de Daniel Darc en 1987. Pour son 18ème album (sans compter les compilations et très nombreuses collaborations à son actif), Johan a décidé de ressortir la Télécaster et de livrer un album qui tranche assez largement avec ses derniers disques, presque totalement acoustiques et placés dans une logique d’épure.
Avec « Johan Asherton’s Diamonds », le songwriter ouvre à nouveau la porte de cette musique rock chargée d’histoire, remplie de références et de force, comme le faisaient les Dogs ou Elliott Murphy : en tant que gardiens de la flamme et détenteurs d’une tradition. Greg Shaw disait que « le rock est un secret qui se transmet d’une génération à l’autre ». Johan joue ici son rôle de passeur de cette musique si puissante, accompagné ici, pour la première fois depuis des années, par un groupe, de haute volée. Johan a même fait appel à Patrick Chevalot, son producteur des débuts, pour mettre en son ce retour aux sources.
A première vue, rebrancher les guitares permet à Johan Asherton de laisser les fantômes au placard, notamment ceux de ses derniers albums (Nick Drake, Gene Clark, Jackson C. Frank..). mais, bien évidemment, rien n’est aussi simple. Le spectre de l’être aimé, du manque, de l’amour qui part, est bien présent, tapi dans l’ombre et ressurgissant à chaque couplet (tout est « torn and frayed », n’est-ce-pas…). Mais aussi, et surtout, c’est le fantôme de cette musique qui fait son apparition : Les Rolling Stones d' »Exile on Main Street » sont bien présents en filigrane (le final « Holy Grail » et ses réminiscences de « Let it Loose »), tout comme les Flamin’ Groovies (« May First ») , mais également le soft-rock californien des 70’s (« Struck by Lightning, Touched by Frost »). Retrouver des échos de cette musique qui l’a construit, transformé, transcendé : Johan tente de retrouver cet absolu adolescent. Les fantômes sont toujours là, mais prennent une autre forme, sonique et hendrixienne.
En écoutant cet album, je me suis fait la réflexion que cela faisait une éternité que je n’avais pas écouté de « nouvel » album de rock, au sens le plus pur et noble du terme. Echo d’une époque où le rock était tout et partout, et surtout dans le cœur de ceux qui avaient une âme. Les temps ont bien changé, mais, comme l’écrivait Yves Adrien à la fin de son manifeste proto-punk « Je chante le rock électrique » : » il n’est jamais trop tard pour tout recommencer ». Ce très bel album de Johan et de ses talentueux complices nous montrent que certaines choses ne peuvent pas mourir.