Fidèle à son habitude, Neil Young sort son album annuel et, si la qualité de la production de ces quinze dernières années n’égale pas celle des décennies 70 ou même 90, on trouve tout de même souvent sur ses derniers disques de quoi réjouir le vieux fan endurci. En ce qui me concerne, après une impasse sur « Storytone », j’avais une certaine appréhension sur ce disque : « The Monsanto Years » est un disque engagé presque enragé, comme « Living With War » il y a quelques années, sur lequel j’avais quelques réserves (sur la subtilité du message et sur la forme musicale un peu trop frontale) – apparemment, Young lui-même était revenu sur ce disque.
Sur « The Monsanto Years », il semble en avoir tiré les leçons : partiellement sur le fond et surtout sur la forme. Sur le fond donc, le message est assez clair (le nom et les pratiques de Monsanto reviennent sur la moitié des titres de l’album), mais Neil Young ajoute à sa colère une certaine bonne humeur et quelques graines d’humour (comme les sifflements et le jeu de mot un peu facile du titre « A Rock Star Bucks A Coffee Shop »), ce qui allège tout de même le propos.
Sur la forme, Young a misé sur la jeunesse : le groupe qui l’accompagne, c’est Promise of the Real, des jeunes mais pas tout à fait des inconnus puisque c’est le groupe de Lukas Nelson (fils de Willie) auquel est venu se joindre son frère Micah. Les deux frangins Nelson et leurs acolytes (un (contre)bassiste, un batteur et un percussionniste) amènent un peu de son neuf à celui, caractéristique, du Canadien : la section rythmique s’étoffe de congas et des origines sud-américaines du percussionniste. Le beau Lukas apporte le son clair de sa Fender en contrepoint de la saturation de la Gibson de Young, s’autorisant quelques parties solos devant le vieux guitar hero – et ça fonctionne plutôt bien : sur un passage de « Big Box », il évoque même la partie guitare de Jimmy Page sur le « With a Little Help from My Friends » de Joe Cocker ; sur « Monsanto Years », sa guitare claque comme un étendard dans le grondement de la guitare de Young, … Son frère, le ténébreux Micah, joue plutôt avec les ambiances et les effets, jouant tantôt de la guitare, tantôt de son charango (petite guitare sud-américaine au son aigrelet) parfois à l’aide d’un archet… et là encore, sans révolutionner le son de Neil Young, cela l’étoffe de manière plutôt adroite (et de manière beaucoup plus convaincante que ce que Daniel Lanois avait fait il y a quelques années sur « Le Noise« ). Sans compter que les jeunes gens font plutôt joliment les chœurs sur l’ensemble des titres…
Enfin, d’un point de vue mélodique, les chansons, dans des registres assez variés, tiennent plutôt la route : quelques belles épopées (« People Want to Hear About Love », « Big Box », « Monsanto Years »), une jolie ballade mélancolique (« Wolf Moon »), un single enjoué (« A Rock Star Bucks A Coffee Shop »), un boogie endiablé (« Working Man »), … Bref, Neil Young nous prouve qu’il est encore capable de faire pousser de beaux disques. Garantis sans OGM.