Il faut parfois faire des détours et comme on ne voulait pas entendre parler de Kurt Vile (on n’avait même pas jeté un œil à son interview ou la chronique de « Childish Prodigy« ), bêtement tout simplement, il a fallu qu’on entende et voit Steve Gunn sur scène pour avoir envie d’écouter la maison mère (sans compter l’avis éclairé d’amis bienveillants). Si on ricane un peu (beaucoup), au début, devant la facilité mélodique et l’air bouseux propre de ce country-rock sans alcool, ses soli quasi Knopfleriens (oh le gros mot), on se surprend à laisser iTunes répéter l’album une fois… puis toute la journée. En fait, ce type est un génie, un faiseur de tubes les doigts dans le nez, dans la lignée des branleurs célestes genre Steven Malkmus-David Berman, mariant légèreté pop et tradition country-folk. Rajoutons à la recette gagnante une pincée de claviers électriques aux touches appuyées au petit bonheur la chance mais qui font mouche à chaque fois.
Et puis, il y a des petits trucs géniaux un peu partout comme ce final de percus et vibraphone sur « Lost my head there« (du postfolk ?), ces petites touches de guitares destroy sur « Life Like This« , ce mélange osé banjo-Rhodes sur « I’m an Outlaw« . Mais si on l’aime, ce Kurt Vile, c’est surtout pour ces titres absolument et résolument killers, comme « Pretty Pimpin » au refrain glue-maison, « Dust Bunnies« traînant et entraînant ou « Wild Imagination« , tire-larmes émouvant soutenu par une boîte à rythme pourrie sur toms basse (duo majeur de l’album). Kurt Vile a réalisé l’incroyable : réintroduire brillamment le banjo dans la pop (comme en son temps Herman Düne avec le ukulele, pour le meilleur et pour le pire) et enregistrer un digne descendant aux disques précieux des Silver Jews et accessoirement l’un des meilleurs albums de 2015. Reste à savoir si la guitare à résonateur popularisée par « Brother In Arms« sera l’instrument de cette décennie. Les paris restent ouverts.