De retour avec un nouveau projet avec Victoria Davis et Hervé Bouétard, batteur d’AS Dragon, Jérôme Suzat alias Cheval Blanc, envoie sa poésie dans une autre dimension.
On est quelques-uns à connaître le travail de Jérôme Suzat avec Cheval blanc, on le garde un peu égoïstement pour soi. Pourtant, force est de reconnaître que sa poésie a ce caractère irradiant pour toute personne qui s’en approche. Sur le papier, un projet en anglais de sa part peut laisser des doutes s’installer dans notre esprit avec des questionnements du type « Ne va t-on pas perdre ce qui fait son identité ? Sa singularité ? Sa force ? ». Aux prudents qui s’éparpilleraient dans de tels raisonnements, ces sept titres répondent avec élégance de la plus belle des manières.
Au « Non Sense » annoncé dans le titre de l’album, Victoria Davis, Hervé Bouétard et Jérôme Suzat préférent la cohérence des vertiges. A des années-lumière d’une pop artificielle, ces trois-là se noient dans les eaux boueuses, C’est à la fois rêche et accueillant, distancié et empathique. Jérôme Suzat se plait à jouer avec les contrastes avec une musique qui ramène à celle des années 90.
Pourtant, il ne faudra pas chercher dans ces titres le moindre passéisme mais trouver parfois quelques passerelles comme sur « Chop off the fright » qui n’est pas sans rappeler le « What Would the Community Think ? » de Chan Marshall. On y rencontre une mélancolie qui ne dit pas son nom, les poupées délaissées des greniers, les familles qui ressemblent à des lettres renvoyées à leur expéditeur.
On se rappellera de la beauté du dernier Tue-Loup auquel on pensera souvent ici.
C’est sans doute le bouleversant et complexe « Mother » qui renvoie à ce que Jérôme Suzat propose en solo, quelque chose quelque part entre la science des silences de Robert Wyatt et le goût des mots et de leurs points de suspension. On y retrouve l’émotion à l’os, les arrangements riches, les perspectives qui se jouent de l’espace. On se croit un temps dans l’intimité d’une chambre, une mère et son fils côte à côte puis les murs s’ouvrent.
Il est bien loin le temps ou Jérôme Suzat jouait dans No one is innocent. Ce qui est peut-être remarquable avec Collage, c’est la volonté de se saisir à nouveau de la dimension rythmique, la preuve en son avec « Faces » et sa construction riche qui doit tant au jeu d’Hervé Bouétard.
Si « Nonsense ( A White Horse Experience ) » vous donne l’opportunité de découvrir la poésie de Jérôme Suzat avec ou sans Cheval Blanc, ce sera déjà beaucoup. Vous y trouverez un artiste modeste et attachant, bien trop discret et qui gagne à être connu.