Imaginez la rencontre entre Wim Mertens, la ligne claire des Lotus Eaters et la richesse harmonique d’Anywhen et vous commencerez à avoir un début d’idée des merveilles que recèlent « Schaduwland », troisième album du flamand Jan Swerts.
Décidément, vous n’entendez rien aux dérives expérimentales de David Sylvian, leur préférant ces temps maintenant anciens où il gardait encore à l’esprit la dimension narrative dans ses compositions. Cela fait bien longtemps que les Lotus Eaters sont aux abonnés absents côté discographie. On a même fini par se faire à l’idée.
Découvrir un disque, cela peut se faire de mille et une manières. La musique crépusculaire et splendide de Jan Swerts devenue un petit peu ma fixation de ces deux dernières années, je dois cette rencontre à Thomas Feiner, lui-même auteur d’un grand disque de Pop orchestrale et fin de siècle avec son groupe Anywhen, le sublime « The Opiates ».
Avec « Weg » en 2010, puis « Anatomie Van De Melancholie » et enfin « Schaduwland », Jan Swerts propose un voyage au fond de soi, parfois éprouvant, parfois sombre mais toujours passionnant. Bien sûr, on trouve dans ces trois disques une véritable science de la composition classique et des arrangements et plus particulièrement des cordes qui chez lui ne ressemblent pas à des nappes de violon posées là plus ou moins gracieusement.
Parfois chantées, parfois instrumentales, les quatorze pièces qui constituent « Schaduwland » sont des éléments tous hantés par le doute. On pensera parfois aux ambiances polaires de la B.O d’ »Angels Of The Universe » composée par Hilmar Örn Hilmarsson avec Sigur Ros.
Ce disque de Jan Swerts n’est pas à mettre entre toutes les oreilles de crainte d’en altérer le contenu, la fragilité gracile et évanescente. Ce disque n’est pas pour tout le monde, il ne s’adresse qu’à ceux qui aiment à découvrir leur sensibilité, à ceux qui s’excusent d’être encore là.
« Schaduwland » est un tout cohérent, une lente construction qui prend son temps pour installer sa propre dramaturgie où l’on croise quelques acteurs, Michael Nyman, Mark Hollis ou Wim Mertens.
C’est un tranquille cheminement vers un apprivoisement du silence, un univers qui requiert une infaillible attention. Des ambiances où l’auteur s’abandonne mais nous également, simples auditeurs devenus le temps de cette heure et une poignée de minutes les acteurs d’une histoire qui s’écrit sous nos yeux.
Ne vous laissez pas perturber par la rudesse de la langue néerlandaise des titres car à coup sûr, vous entendrez à l’intérieur de ce disque peut-être les plus déchirantes mélodies de cette année 2016. Les grands œuvres sont souvent des épreuves, « Schaduwland » est une main glacée dans un gant de velours, une sensualité au ras de la chair.