Il y a des artistes qui enchaînent les projets dans un mouvement frénétique qui donne parfois le vertige et il y a ceux qui laissent le temps faire son travail pour en tirer quelques arrangements dont la préciosité fera, à coup sûr, une trace indélébile dans nos mémoires. Mike Wexler fait indéniablement partie de la seconde catégorie avec « Syntropy », son troisième album qui succède à « Dispossession » sorti il y a quatre ans (il a fallu aussi attendre cinq ans après son premier effort, « Sun Wheel »). Mais au delà de cette discrétion, le folk hypnotique de Mike Wexler propose aujourd’hui un ensemble de compositions boisées, à la fois classiques et contemporaines, qui se révèlent absolument indispensables pour oublier l’amertume de cette fin d’année.
Avec une pochette abstraite et des thèmes qui tiennent autant du retour à la terre que de certains idéaux modernes on peut s’attendre à un disque complexe. Et pourtant, les lignes mélodiques de « Syntropy » sont promptes à mettre tout le monde d’accord quelques premières notes. Jugé plutôt, la tessiture vocale évoque parfois celle d’Elliott Smith – et on n’est pas du genre à sortir ce genre de référence pour le premier venu – les nappes atmosphériques semblent s’échapper par moment d’un disque de Robert Wyatt et le fingerpicking cristallin de Mike Wexler, tout en accords mineurs, distille une sorte de psychédélisme doux qui tutoie la perfection.
Ceux qui ont eu la chance de le voir en concert le 9 décembre à l’Espace en Cours vous le diront, difficile de choisir un titre plutôt qu’un autre tant cette musique appelle à l’introspection. Si toutefois on devait se plier à l’exercice on vous recommanderait l’hypnotique « The Engram » ou encore le pastoral « Transfer ». Mais c’est avec « The Commons » que Mike Wexler laisse une part assez prégnante au fond de notre cerveau avec cette longue conclusion qui s’impose doucement comme un immense chef-d’oeuvre mélancolique. En se terminant sur deux minutes de field-recordings campagnards, Mike Wexler nous tend délicatement un miroir tourné vers cette part cachée de notre psyché vadrouillante.