Si on le pouvait, on irait parcourir par procuration l’ensemble des voyages effectués le groupe Oiseaux-Tempête pour la réalisation de chacun de ses albums. D’abord la Grèce, puis la Turquie pour « UTOPIYA ? » et aujourd’hui Beyrouth pour « AL-‘AN ! الآن (and your night is your shadow — a fairy-tale piece of land to make our dreams) ». La groupe avance à la recherche d’unisson, de fraternité, de dissonance mais aussi de partage entre des compositions rock, noisy avec une musique orientale, improvisée et résolument ancrée dans le présent. On y entend des guitares, du saxophone, des ouds, des infrabasses, probablement une vielle à roue et aussi du field recording qui nous aide à ressentir comme une sorte d’effervescence en provenance quasi-directe de la rue.
On devine en partie les enjeux qui semblent se jouer là quand une sirène de police débarque sans prévenir sur » Electrique Résistance » et « The Offering ». La tension est telle qu’elle finit par se brûler en se projetant vers un but hors d’atteinte. On ne sait pas trop ce que les musiciens ont fait dans cette ville à part enregistrer. On essaie de recoller les morceaux, notamment avec « Carnaval » qui évoque une fête traditionnelle avant de s’orienter vers un long passage ambiant et électronique dont on devine là une partie de la contribution de Mondkopf. Pour le reste on a envie de rentrer chez soi à l’aube, en titubant avant de s’asseoir par terre pour écouter des disques.
Sur les dix-sept minutes et vingt-neuf secondes de « Through The Speech Of Stars » les musiciens tissent une longue toile subtile avant de marteler une rythmique puissante qui n’est pas sans rappeler certains concerts des Swans – on s’arrêtera là pour le jeu des références. Le morceau revient sur une sorte de riff bluesy pour offrir de l’espace pour un long texte récité par G.W. Sok, le chanteur chez The Ex et aussi King Champion Sound. On se souvient les avoir vu en janvier dernier au Centre Barbara, le set démarrait par ce titre et il ne restait rien d’autre à faire que d’écouter, les yeux vers les étoiles.
Et quand les dernières notes de « A L’Aube » se terminent on se dit qu’il ne nous reste plus qu’à repartir dans ce disque dont les sonorités se renforcent dans notre mémoire. Car si les deux premiers albums d’Oiseaux-Tempête nous avaient marqué par leur travail de composition, leurs ambiances, ce dernier effort trouve ici quelque chose en plus de franchement fascinant. Une œuvre solaire à écouter à fond avec les fenêtres ouvertes.