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Grizzly Bear – Painted Ruins

Grizzly Bear - Painted Ruins

On est en droit de se demander si elle ne dure pas un peu trop longtemps, cette période au cours de laquelle l’insignifiant terme de hipster (même pas censé constituer une alternative à celui, tout aussi stupide, de bobo) semble suffire à l’interlocuteur malveillant pour penser pouvoir discréditer de manière convaincante tel ou tel artiste qu’il considère, le plus souvent de manière arbitraire et non fondée, comme un (im)pos(t)eur ! Certes, il persistera toujours un flot ininterrompu de réflexions désagréables toutes faites à l’encontre de groupes surdoués comme Grizzly Bear et l’on ne pourra jamais empêcher la mauvaise foi ni même les arguments d’autorité pré-établis de proliférer sous diverses formes. Qu’à cela ne tienne, ces quolibets, sarcasmes et autres marques de mépris gratuit ne sauront jamais minimiser l’immense talent du quatuor d’orfèvres fraîchement installé en Californie. Ces experts qui, en matière de structures sonores, mélodies et songwriting, officient à niveau égal, réussissent avec « Painted Ruins » le pari fou de tenir la dragée haute à leur album précédent, « Shields », chef-d’œuvre paru cinq ans plus tôt.



Les thématiques choisies, pour la plupart émanant de leurs expériences personnelles, oscillent entre les notions d’amour éphémère (« Neighbors » et son délicieux refrain hispanisant), de regret (« Three Rings », que les membres d’Alt-J auraient probablement adoré écrire), de temps qui passe et de deuil (« Mourning Sound », faisant sans doute figure de titre accessible et immédiat par excellence parmi ces onze morceaux parfaitement peaufinés), auxquelles vient parfois discrètement se greffer un champ sémantique lié à la vie terrestre (sur le savamment vertigineux « Four Cypresses » où l’on entend ces mots terrifiants : « It’s Chaos But It Works ») et l’environnement (« Wasted Acres », idéalement placé en ouverture). Lorsque ce n’est pas Ed Droste qui nous offre son chant toujours aussi proche de la perfection, ni Daniel Rossen qui par ailleurs assure le refrain sur « Mourning Sound », c’est le bassiste Chris Taylor en personne qui fait entendre son joli timbre de manière inattendue sur l’hypnotique « Systole ».



Ce qui est de plus en plus troublant chez l’ours à seize pattes, comme en témoignent le sublime « Glass Hillside », le poignant « Cut-Out » au refrain ponctué d’une rythmique particulièrement martiale, et « Losing All Sense », qui sonne presque comme un inédit de Queens Of The Stone Age joué au ralenti, c’est cette propension à emmener l’auditeur très loin tout comme peuvent le faire le jazz, la musique brésilienne, Robert Wyatt ou encore Paul McCartney dans ses diverses œuvres. Puis arrive en dernier le pré-apocalyptique « Sky Took Hold », qui s’achève par une ambiance menaçante portée par des claviers rappelant Boards Of Canada (clin-d’œil involontaire à leur précédent label, Warp), et l’on se dit alors qu’un tel niveau d’écriture et d’exécution méritait bien un quinquennat d’hibernation. L’un des albums marquants de l’année !

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