On avait laissé Stéphane Milochevitch et son projet Thousand avec un album d’une très belle facture, kaléidoscope d’influences entre folk et rock. Mais en trois ans, il a dû se passer bien des choses, car ce n’est pas un simple disque de plus que signe Thousand. On rentre dans “Le tunnel végétal” un peu fébrile, la promesse d’un changement de langue n’étant pas anodin, et on en ressort émerveillé. Le Français, qui a grandi dans sa prime enfance au Texas, signe un album d’une ampleur remarquable, encore une fois très généreux, aussi habile pour faire danser les mots que pour tresser des mélodies que l’on se surprend à mémoriser en quelques écoutes.
Ce “Tunnel végétal” est en effet de ces disques qui s’imposent à l’auditeur, avec une profusion de détails qui ne se noient jamais dans le tableau d’ensemble. Les textes, parfois déroutants, mais toujours brillants, se greffent sur des mélodies qui gardent toujours le juste équilibre entre luxuriance et simplicité rythmique. La recette paraît simple, mais le plaisir qui s’installe et va en grandissant ne trompe pas sur la qualité du disque. Ouvert sur “Salomé qui danse” et son atmosphère orageuse qui s’éclaire vers la fin, poursuivi par l’extraordinaire “La Vie de mes sœurs”, à la fois dans l’émotion pure et une forme de surréalisme jamais gratuite (“J’ai vu l’avenir du monde dans ton regard / je jure sur la tête de Robert Ménard”), l’album met ainsi la barre très haut, mais Stéphane Milochevitch, aidé par les chœurs somptueux d’Emma Broughton et Diane Sorel, ne va jamais redescendre.
Une reprise de Dashiell Hedayat (“Long Song for Zelda”) sur un rythmique tendue, quelques évidences pop (“Ma vénus”, “La vision”, “Narval”), une errance à fendre le cœur (“La nuit des plus beaux jours de ta vie” – à la fois émouvant, aérien et amarré au sol par une mélodie qui se déploie lentement) complètent l’album qui se termine sous l’expression libre de “L’acte de”. L’écoute de ce “Tunnel végétal” est un vrai cheminement, à la fois grand disque mélodiquement parlant, mais aussi un disque de chansons, qui restent, marquent, émeuvent ou surprennent. La marque d’un grand disque ? Assurément.