Retour du leader de Superflu, Nicolas Falez avec un nouveau projet, Fontaine Wallace et son lot de chansons Pop imparables.
Sans doute avez-vous déjà vu des fontaines Wallace sans même le savoir. Vous savez, ce sont ces vieilles fontaines de fonte que l’on croise dans les rues de Paris. Un peu d’histoire alors, Sir Richard Wallace, britannique de naissance mais français « d’adoption », décide de faire profiter aux Parisiens de la fortune héritée de son père en 1870, de façon efficace mais discrète. Et c’est dans les fontaines qu’il voit la possibilité de réaliser son souhait puisque, à cette époque en 1872, le prix de l’eau est très élevé en raison de la destruction de nombreux aqueducs à la suite de la guerre et du siège de Paris. Avec ces fontaines, il permet aux démunis d’avoir accès à une source d’eau potable gratuite tout en participant à l’embellissement de la ville. Des objets en somme à la fois gracieux, solides et utiles. La Musique de Nicolas Falez est constituée depuis toujours de ces trois composants. Son univers n’a rien à voir avec un quelconque rapport à l’éphémère et la volonté de plaire au plus grand nombre.
Nicolas Falez occupe une petite place discrète depuis un vingtaine d’années dans la Pop française. Assurément, il ne fera jamais partie des têtes de gondole, on ne trouvera pas sa trombine dans les pages des magazines à scandale. Sa vérité à lui est ailleurs comme disait Fox. Depuis Superflu, il poursuit bon gré mal gré le même chemin, celui d’une musique habitée, suggestive, autrefois Rock, aujourd’hui plus Pop. Sauf que depuis toujours, nulle facilité dans l’univers du monsieur.
Après plusieurs années de silence qui ressemblent à une étape de deuil nécessaire de la période Superflu puis une phase de transition avec Tancarville qui annonçait déjà Fontaine Wallace, il revient donc avec ce qui ressemble à un long exercice de maturation, la minutie et le souci du détail comme si chaque mot, chaque note était une entité pleine et entière.
Ce nouveau projet est hanté par la ville, c’est son territoire entre chaos et désordre. Les petites villes comme les grandes villes, ces lieux sans véritable identité, sans singularité. Ces endroits que l’on retrouve à l’identique quelques kilomètres plus loin. Ennui et froid, banalité et lieux communs, bancs publics et adolescents gothiques.
Tout au long des 10 titres lumineux, on est souvent au bord d’un malaise avec cette écriture allusive. Prenez « Une Odyssée » qui commence comme l’évocation d’une anecdote presque futile mais qui s’avère bien plus profonde qu’elle n’y parait, les rivières paisibles ressemblent parfois à s’y méprendre à des Styx inquiétants. L’ambiance peut sembler légère mais le spleen n’est jamais loin.
On pourrait suggérer Stereolab ou Pinback comme de la même famille que Fontaine Wallace pour cette collision entre ligne claire et dérive.
Nicolas Falez part du quotidien pour mieux le sublimer, il prend les chemins noirs, ces minuscules sentiers sur les cartes routières, ces drôles d’endroits pour une rencontre que ces bords d’autoroute, ces lieux de transit et de passage. Le monde de Fontaine Wallace est un lieu inquiet sans architecte mais à la multitude d’ouvriers qui ne savent que croire.
Souvent appuyé par un piano clair, ces dix chansons s’assument en contrepoints et en dialogues entre Cécile Beguery et Nicolas Falez. Il y a une belle solarité au sein de ce disque, pas ce soleil brûlant qui tanne la peau mais plutôt un astre qui affirme les ombres et réchauffe le sang et les eaux. L’écriture est belle et variée, volontiers lettrée et changeante, pouvant une suite d’énumérations sans verbe qui donnent du sens à « Joueur d’échecs » ou plus directement naturaliste sur « Quarantaine ». L’homme connaît le poids des mots, leur pouvoir.
L’élément liquide revient beaucoup dans les propos du Parisien, signe d’un temps qui file, d’un tumulte que l’on ne parvient pas à calmer. L’élément liquide c’est aussi la traduction du collectif, du groupe ensemble pour affronter les accidents de la vie.
Fontaine Wallace glisse quelques clins d’œil aux accords d’un Johnny Marr, on jurerait entendre un Morrissey jeune chanter « Let me Get What I Want » le temps de « Déjà fait ». Ils disent les 100 voix qu’ils ont en eux dans « Sagittaire » avec une envolée de piano à la Mike Garson.
« Je suis fait de tant d’hommes
Un clown, un roi, un missionnaire,
Un fils et un père,
un amant et un sagittaire »
Depuis toujours, Nicolas Falez parle de la perte de l’inédit et de la nouveauté, d’une certaine forme de lassitude, d’une mélancolie du lendemain qui sonne plus terne que l’hier. Mais là où d’autres restent dans ce même pré carré d’un nombrilisme égoïste et sclérosé, Fontaine Wallace est source de jouvence.