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Disques

Singe Chromés – 2

Singe Chromés - 2On commençait à craindre que le premier disque de Singe Chromés sorti en 2014 ne soit qu’un one-shot sans suite. Le sobrement intitulé « 2 » dépasse toutes nos attentes.

4 ans d’attente entre un premier disque et le suivant c’est quand même bien long, trop diraient certains. Mais quand une telle attente est synonyme de singularité nouvelle et inédite de la part d’un groupe volontiers déroutant, on se dit alors que l’on a bien fait d’être patient. On peut le dire ici haut et fort à la sortie surprise de ce second disque de Singe Chromés que l’on n’avait pas vu d’émergence d’un univers aussi singulier depuis les premiers disques de The Married Monk. Ironie ou humour du calendrier de voir d’ailleurs « 2 » sortir peu de temps avant le grand retour de la bande à Christian Quermalet.

Le premier disque de Singe Chromés sort en 2014 et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne laisse personne indifférent. On le ressent bien plus comme un coup de poing avec cette formule parler-chanter qui se distancie des humeurs d’un Michel Cloup ou d’un Pascal Bouaziz par une envie de Cut/Copy plus proche de Kat Onoma et de Rodolphe Burger. Singe Chromés c’est l’émanation musicale de Denis Scheubel, artiste plasticien de Mulhouse arrivé sur le tard dans le Rock sur la foi d’autres projets plus confidentiels (La cinquantaine !). On compare volontiers le monsieur à Joy Division, au Gun Club ou Alan Vega mais ces références sonnent plus comme des envies de se rassurer plus que comme des arguments tangibles. Car Singe Chromés est ombrageux et dangereux, anxieux et sans ouverture. 

A la sortie du premier disque,  Denis Scheubel disait à qui voulait l’entendre que pour le prochain Singe Chromés, il aimerait aller vers plus d’orchestration et d’arrangements. Après écoute de « 2 », on doit bien reconnaître que l’on n’ira pas chercher des harmonies soyeuses, le propos est plus à la sécheresse minimale qui vient appuyer encore les propos presque sibyllins et cycliques. « Amour unique » c’est un peu comme une réponse rêche et rugueuse à « L’amour » de Dominique A. 

 

La musique de Singe Chromés c’est une saccade, un heurtement, une gifle à peine posée, une scansion sans passion, la libération d’une énergie éteinte, les mots qui restent au fond de la gorge. On peut être saisi de terreur puis happé par la beauté au sein d’un même titre. Prenez « Néon » et son évocation des villes garces.  Singe Chromés, c’est aussi un certain sens de l’économie qui permet à l’urgence de n’en apparaître qu’avec plus de pertinence. « Mars » joue avec les  voix d’une schizophrénie, déroute avec presque une forme d’humour ricanant et grinçant. « Un ange » retrouve un peu de cette mélancolie sourde d’un Bashung, On pense aux « Ailes du désir », à Bruno Ganz qui regarde Berlin et cherche la vérité dans le regard des hommes.

Il y a dans l’univers de Singe Chromés ce quelque chose que les anglais appellent « Gloomy », ce terme presqu’intraduisible.  Cafardeux, sombre, lugubre… Assurément mais en même temps bien vivant, continuant un combat que l’on sait perdu d’avance. Il  faut entendre « Dragon Colonne » et ses tentations bruitistes, fouiller les poubelles de sa propre imperfection dans « Sorry Mum ». Ce qui est fort dans l’écriture de  Denis Scheubel, c’est d’accepter d’être à la fois pathétique, glaçant et risible. Jouer avec les mots, « s’immoler », « Mimolette »… Ne pas être original ou singulier pour être original ou singulier. Ne pas rester dans une posture, n’en avoir que faire du jugement d’autrui car l’enfer ce n’est pas les autres comme disait l’autre. Non, l’enfer, c’est d’abord soi dans le miroir. 

On sent Denis Scheubel comme dans une forme de replis sur soi, une tentation autistique dans « Green ». D’ailleurs ne dit-il pas que ses chansons sont des messages d’un alien, des anecdotes martiennes d’un inadapté aux autres comme à lui-même ? Pourtant, parfois, comme surgies de nulle part, apparaissent des images, des éclats de poésie saisissants, des liens empathiques entre cet homme et son monde. Egarez-vous dans « Asphalte » et vous comprendrez. Singe Chromés c’est aussi un tout protéiforme entre Rock asséché et Hip-Hop léthargique, chant comme un instrument rythmique parfois bien plus que sémantique comme sur « Ejection » ou « Sous nos yeux ».

« 2 » comme son aîné est un disque éprouvant, complexe, parfois difficile qui ne se veut pas limpide ni trop transparent. Le travail d’un artiste qui se colore de brume, passionnant et intriguant.

 

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