Lorsque Calvin Johnson, le parrain indéboulonnable de l’indie pop US, sort un nouveau disque, on ne se pose pas trop de questions, on l’achète (je connais un paquet de petits potes pour lesquels ce sera pareil, y compris une chouette autrice de BD. D’ailleurs, Calvin est le ciment indéfectible de bon nombre d’amitiés nouées autour de la musique). Puis on questionne un peu le ”personnel” à l’œuvre : ici Patrick Carney (batteur des Black Keys, derrière les fûts donc, mais également à la basse, aux claviers, à la guitare électrique et à la production, à Nashville, Tennessee, dans son Audio Eagle Studio) mais aussi, et c’est plus inattendu, Mlle Michelle Branch, Mme Carney à la ville, aux chœurs, soit le second couteau des filles folkeuses passées maîtresses en power ballads sur ondes FM, plus précisément la seconde vague, celle qu’on n’aurait jamais voulu entendre déferler, les Avril Lavigne et autres Nelly Furtado après les fantastiques Joan Osborne et autres gracieuses Sheryl Crow qui avaient inondé les années 2000 (d’ailleurs la FM -quoi ça ?- ne s’en est toujours pas relevée).
Dans la balance du « Wonderful Beast » donc : du total vintage crédible et de l’improbable folk FM, tout ça pour nous donner… tout simplement le meilleur album de Calvin Johnson depuis des années (depuis « Before the Dream Faded » donc) ! Ce n’est pas du même divin tonneau que The Halo Benders évidemment, mais ça donne tout autant le tournis.
Notre baryton-basse, toujours aussi nonchalant, coule sa voix traînante et caoutchouteuse puisque prose combat contre musique il y a toujours eu avec lui. C’est sexy, romantique, blues, foutraque et dansant (si ce n’est dance) à l’image de « Like You Do » (avec clip foufou, toujours bricolé avec les moyens du bord). Que notre vieille tante d’Olympia bande encore et, qu’en pleine andropause, fasse encore le mariole dans son jardin en short (très court !) en jean, voilà qui nous touche beaucoup.
Les basses y sont toujours gouleyantes, les guitares acides et fuzz, les claviers barrés (« Kiss me Sweetly », entre autres). Rien de très neuf, ni de révolutionnaire, mais le tout est diablement efficace et fait pour la gigote indie pop. S’il en reste. Ceux qui l’ont vu onduler sur scène me comprendront. C’est désinhibant pour tous.
Comme dans les bons albums d’antan de dans l’temps, il y a aussi unité de son et de ton là où « Before The Dream Faded » fouillait un peu partout, et c’est ça qu’on aimait aussi, avec baisses de régime et moments glorieux. Ici tout est du même baril de poudre à laver le blues dans la dance, le rock et ses trucs dans l’ambient rêveur, et, surtout, noyer le mouron dans la fête (« When the weekend comes around », tube dépressif).
Alors que les Hive Dwellers de Calvin Johnson, incluant pourtant mes chouchous et défunts de Mahjongg, m’avait déçu par leur côté propret country-rock (où était passée leur folie kraut lo-fi ?), je remercie la famille Carney d’avoir donné un écrin de luxe hyper solide pour épancher le petit cœur de beurre de cacahuète de l’ami Calvin, toujours aussi amoureux, bien et malheureux, suivant les titres.
Le parrain est toujours le roi, inattendu (bien malin qui pourra prédire ce que notre Calvinou produira et sortira sur son label), inouï (ah ce blues déviant à xylophone et synthé modulaire, « Blues Come Runnin »…), une vraie Wonderful Beast.