Laure Briard est surprenante. Si l’album « Sur la Piste de Danse » et l’ep « Sorcellerie » étaient fortement unitaires, « Un peu plus d’amour s’il vous plaît » est un peu plus ouvert, moins rond, comme s’il parcourait différentes géodésiques. Il en résulte un album en dents de scie, un peu auberge (brasilo-)espagnole. La vraie fausse ingénue peut prendre ainsi tous les avatars de la Jeune Fille, de la légère potiche à la femme forcément fatèèèèèèle, muse de Godard ou de Rohmer, en passant par les Lollypop de Spector ou d’ailleurs, par les femmes libérées des années 80 jusqu’à… nous-mêmes, consommateurs azimutés et décervelés réunis sous le concept néo-contemporain du même nom, décrit par Tiqqun. Voilà pourquoi la Jeune Fille est immortelle et qu’elle nous séduira toujours. Laure, elle, se fait tour à tour Hardy (« J’oublie »), Elinor Blake (ce brûlant « Kooky Sun », ce sautillant « Someone » à faire pâlir Burgalat qui se cachait, c’est sûr, dans la cabine d’enregistrement, au moins pour les chœurs), Birkin (« Love across the sea »), et puis France Gall/Sheila (à la mode grecque sur « Changer D’Avis »).
Sur quelques titres, elle touche simplement au sublime : « Un peu plus d’amour s’il vous plaît » puise dans la fin des sixties et le futur d’hier, en bon Broadcast moderne, et « Energie » est une cavalcade pop sauvage, un sabbat faustien qui mériterait d’être mis en images par un Murnau sous LSD.
Je suis moins pour les titres en anglais, comme souvent lorsqu’ils sont si bons en français, mais comment résister à cette éternelle innocence fantasmée, rêvée, voulue, vécue sans doute même, et cet accent français impossible qui nous faisait fondre chez Claudine Longet ou, à l’envers, chez April March chantant en français ? Une fois de plus, j’ai l’impression que sur scène, cette fille-là, les gars, elle sera terrible.