KIMYA DAWSON – La Malterie, Lille, 5 Mars 2005
Lille est décidément une ville pleine de surprises. Une semaine à peine depuis la déflagration sonique du MC5, me voici en ce samedi soir, entrant dans La Malterie pour le concert de Kimya Dawson, égérie de l’antifolk, tout droit sortie de l’aventure Moldy Peaches. Différence de style, donc, mais pour un bonheur identique.
Il est 21h15 lorsque le premier groupe de la soirée fait son apparition. Charlotte Lewis, recrue lilloise, est un combo ultra minimaliste (une guitare, une voix), dont le style nous indique que ces deux là ont dû écouter des nuits durant les disques séminaux de PJ Harvey (particulièrement les "4-track demos"), ou encore les Cowboy Junkies ou Mazzy Star, tout ce qui sait donner des frissons avec simplicité. Leur set délicieusement amateur (la chanteuse toute rougissante lorsque son boyfriend de guitariste plante la fin d’un morceau, leur visible bonheur de se trouver sur scène), emporte l’adhésion du public, même si l’on pourrait conseiller au guitariste d’enrichir quelque peu son jeu de guitare, afin de proposer un écrin idéal à la délicieuse voix embrumée de Charlotte. Affaire à suivre, donc…
Le temps d’aller au bar, et déjà le groupe suivant est en place. Schwervon! débarque tout droit de New York sur la scène de La Malterie. Groupe mixte composé de Major Matt à la guitare et de Nan Turner à la batterie, Schwervon! attaque pied au plancher avec un morceau de leurs amis d’Herman Düne (autre groupe chéri des Lillois), et les morceaux s’enchaînent, bam, bam, bam, le public est debout, ça transpire, ça danse, ça vit… "Bad Music", extrait de leur second et dernier album en date, "Poseur", a tout d’un hit potentiel, et Nan Turner est définitivement la batteuse la plus sexy depuis le Big Bang. Une structure White Stripes, pour un résultat garage à tomber. Comment Kimya Dawson allait-elle pouvoir passer après une telle tuerie ?
Telle un Robert Johnson du 21ème siècle, seule à la guitare, bras tatoués, bonnet gris descendant jusqu’aux yeux, elle va, pendant une heure, réussir l’exploit de toucher au coeur un public encore gorgé d’électricité par ses mots/maux. Des vignettes acoustiques sur un mal-être adolescent qui dure toute une vie, le téléphone qui ne répond pas, les déboires sexuels d’une Américaine pas bien dans sa peau. Des phrases disséminées qui allaient m’obséder ce soir-là ("I cry for her and then i cry for me, haunted by the ghost of the girl i used to be"). En une heure, la timide Kimya a montré qu’elle mérite autant, si ce n’est plus, d’emprunter la route du succès sur laquelle se trouve actuellement son ancien partenaire Adam Green. C’est une fragile et humble demoiselle que j’ai vu sourire, à la sortie de la salle, en vendant ses disques, qui, selon la logique, devraient se trouver dans la discothèque de tout être humain digne de ce nom.
Frédéric Antona