THE FIERY FURNACES – La Maroquinerie, Paris, Le 23 Septembre 2009
On aurait dû entendre ce soir les expérimentations éthérées de Banjo or Freakout, mais ce sera pour une prochaine fois, l’Italo-Londonien ayant annulé toute sa tournée européenne. Heureusement, Nite Jewel est fidèle au poste, et nous offre un bon moment de disco vaporeuse, avec claviers et reverb plein pot. Il faut aimer planer pour apprécier ce concert, et certains – dont je fais partie – ne décolleront pas.
Le rock expérimental, tranchant et sinueux des Fiery Furnaces est donc attendu avec impatience, même si on se doute qu’après un album pop et carré comme "I’m Going Away", les deux Friedberger n’offriront sans doute pas une performance aussi épuisante et imprévisible que du temps de "Remember".
Mais Eleanor et son frangin ont plus d’un tour dans leur sac, et tout en jouant de manière assez simple, ils réussissent à sauver de l’ennui au moins une partie des spectateurs. Par une présence scénique remarquable, et une performance quasiment théâtrale de la part de mademoiselle Friedberger (notamment sur "Chris Michaels"). Par les quelques explosions sonores qui font du bien aux oReilles (au milieu de "Automatic Husband"). Et par le côté irrésistiblement catchy de leurs titres pop (le rappel clos par "Here Comes the Summer" pouvait difficilement laisser indifférent). Il y a certainement eu quelques temps morts ce soir-là ("The End Is Near" est d’une répétitivité un peu lassante), et les fans de la première heure regretteront sans doute que les "tubes" de "Blueberry Boat" ("My Dog Was Lost But Now He’s Found") ou de "Bitter Tea" soient écartés au profit des titres plus récents ("Drive to Dallas", "Ray Bouvier", "Charmaine Champaigne"). Toujours est-il qu’on ne peut enlever aux Brooklyniens leur capacité à donner vie à leurs morceaux, ne serait-ce que par la conviction avec laquelle ils les interprètent. Il n’y a qu’à voir Eleanor qui, agenouillée à côté de son micro, s’enivre des accords de guitare de son groupe pour s’en persuader.
Quand le rappel se termine – Matthew nous promet qu’il y aura encore des titres pendant la master class qui suit le concert -, on se dit que, même s’ils se sont mis à faire de la pop un peu comme tout le monde, les Fiery Furnaces n’ont pas définitivement retourné leur veste. Et qu’on ne sera pas de sitôt à l’abri d’une surprise de leur part.
Organisée par Chronic’Art, la master class qui suit le concert consolide l’image que le groupe donnait de lui-même à travers son Democ’ Rock (concept inventé par les FF et qui consiste à faire intervenir le public dans le processus de création, que ce soit à travers des objets envoyés ou des chroniques) : deux personnes disponibles, ouvertes et hautement démocratiques.
Matthew se lance dans un flot de paroles chaque fois qu’une question lui est posée, retourne souvent les questions au public lui-même. Il explique sa conception de l’art : quelque chose que tout le monde s’approprie, modifie, et cela dès la réception et l’interprétation de l’oeuvre. Et nous joue en avant-première un extrait de l’album des reprises que lui et sa soeur ont faites de "I’m Going Away". Eleanor est plus réservée, nous explique par une lapalissade que, si elle parvient à chanter avec concentration au milieu du chaos sonore, c’est tout simplement qu’elle est douée pour cela.
Dans l’ensemble, la discussion est particulièrement conviviale ; entrecoupée d’accords de guitare, elle se situe à mi-chemin entre une interview faite par le public et un concert privé. Et les deux frangins se soucient particulièrement de leur public, se montrant ouverts aux requêtes, interprétant "Tropical Iceland" sur commande. Un moment chaleureux qui achève de nous convaincre que cette soirée n’était pas une déception, après tout.
Catherine Guesde
A lire également, sur The Fiery Furnaces :
la chronique de « I’m Going Away » (2009)
la chronique de « Widow City » (2007)
la chronique de « Bitter Tea » (2006)