WILDBIRDS AND PEACEDRUMS – Stockholm, Södra Teatern
Ce lundi, c’est le cortège de la manifestation contre l’entrée des Sveriges Demokraterna au Riksdag qui nous conduit du nord de Stockholm à l’île de Södermalm. C’est au Södra Teatern, charmant théâtre à l’Italienne où Strindberg avait ses habitudes, qu’est programmée une soirée suédo-suédoise, tout à fait de saison donc : Wildbirds & Peacedrums and voices et Tape.
Tape, trio de pop expérimentale ayant déjà fricoté avec les Japonais de Tenniscoats ou l’Écossais Bill Wells, est chargé d’ouvrir la soirée. Le trio claviers, électronique, guitare est complété par une batterie et le guitariste échangera par deux fois son instrument contre le piano. Ils nous offrent une pop répétitive de belle facture évitant l’écueil de la facilité des groupes avec machines en ne samplant pas les motifs mélodiques (guitare et claviers) et en incluant de subtiles variations sonores. L’électronique est utilisée comme parasitage et de manière, me semble-t-il, plus improvisée et libre que les autres instruments. La batterie est, quant à elle, ultra minimale et porte une grande attention aux sons presque autant qu’au rythme dans le style de Radian ou du batteur chicagoan Steven Hess (voir ses collaborations avec Sylvain Chauveau, Pan American, Fennesz…). Cela nous fait penser à une sorte de Tortoise (en moins axé sur les constructions tarabiscotées et le rythme) qui accorderait une place centrale à la mélodie : une sorte de Tortoise humble même si c’est finalement assez antinomique.
Nous sommes presque déçus par ce concert, un peu trop joli et finalement peu accidenté pour un groupe aimant la prise de risque et ayant publié sur leur label Hapnä des artistes très intéressants de la scène électro-improvisée (Oren Ambarchi, Stephan Mathieu, David Grubbs, Pita).
La salle est comble et le public est venu pour écouter Wildbirds & Peacedrums qui viennent présenter sur scène leur nouveau projet, récemment documenté sur vinyle (« Retina » et « Iris« ), avec l’aide d’un choeur islandais ayant collaboré entre autres avec Múm ou Björk.
Le duo monte sur scène : lui (Peacedrums ?) à la batterie, elle au chant, pédales et steeldrum. Le premier morceau est prometteur : la batterie est inventive et peu axée sur les infernales cymbales (toujours un gage de bon goût). Il utilise un bel ensemble de toms et même deux grosses caisses de tailles différentes et de multiples claves, cloches, woodblocks. Rien de démonstratif mais toujours intéressant, visuel et finalement presque plus mélodique que rythmique. Elle (Wildbirds ?), encombrée par une sorte de gilet à large pans tombant sur un leggin à paillettes vertes, tape sur son steel drum et quelques fois se déchausse pour actionner d’étranges pédales genre orgues. C’est très beau et cela nous fait penser à cet autre merveilleux groupe de scène qu’est Mice Parade.
En revanche, cela se gâte vite avec les voix. Le choeur entre en scène habillé en pyjamas gris et arborant des colliers tribaux nordico-celtiques : on pense à Enigma, Enya etc. En fait, rien de tout cela, les parties chorales seront très belles entre chants grégoriens et oeuvres répétitives modernes tendance Steve Reich. En revanche, la chanteuse se met à forcer sa voix et à presque couvrir ses petits camarades. On la sent peut être un peu excitée par la soirée, les invités et le lieu magnifique… Elle en oublie de jouer collectivement. Elle rajoute un peu de ridicule en se dandinant et en prenant des poses de grande prêtresse païenne, ce qui est loin d’être simple avec ces grands lambeaux de tissus qui lui pendent de partout… et l’empêchent parfois de voir ses pédales ! C’est dommage car sa voix, entre Kate Bush et Patti Smith, n’est pas désagréable : on s’en rend bien compte lorsqu’elle abandonne (souvent) le micro pour chanter a cappella devant la scène dans l’ombre. Je dois avouer que j’ai même profité d’une colonne (finalement opportune) pour la masquer pendant la plus grande partie du concert et me concentrer sur la batterie et les voix…
Malgré cela, le concert fut très agréable à écouter et passionnant à regarder. Par ailleurs, outre le fabuleux batteur (dont certaines parties nous feront même penser à… Battles), le travail de l’ingé son était remarquable : la batterie était reprise malgré la petitesse du lieu et la qualité de l’acoustique afin d’accentuer certaines percussions à différents moments. Du bel ouvrage pour un groupe finalement assez scénique.
Guillaume Delcourt
Photos prises par Benoît Barnéoud au Café de la Danse le 11/10
A lire également, sur Wildbirds and Peacedrums :
la chronique de « Iris » (2010)
la chronique de « Retina » (2010)