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Concerts

Pitchfork Festival – Grande Halle de la Villette – 1er, 2, 3 novembre 2012

Alors bon, voilà qu’on y est enfin au PF, alors que l’année dernière, nous avions été recalé, et devinez quoi ?, on est souffrant (enfin, un peu), la station debout pénible. Cela tombe mal car le 1er novembre, on va s’enquiller 7 heures de concerts… D’où impasse sur trois rogatons : deux indie-r’n’bof (How To Dress Well, AlunaGeorge) et les faux Drums fadasses de DIIV. Nous arrivons donc fringant comme l’étalon noir, ce qui nous reste de crinière au vent, pour Factory Floor. Première constatation, la Villette, c’est joli la nuit, avec les deux scènes subtilement disposés en miroir à chaque bout, histoire d’éviter les changements de plateau entre concerts qui s’enchaînent comme dans un rêve (ou un cauchemar). Factory Floor, donc : l’impression d’entendre un remix hébété d’un très vieux New Voltaire (ou Cabaret Order) par des Chemical Brothers tout frais et très énervés sur près d’une heure. Pas spécialement déplaisant, mais après quinze minutes, une certaine lassitude nous étreint, partiellement dissipée par la contemplation des motifs géométriques très web 1.0 qui s’enchaînent sur l’écran à vitesse continue (mais heureusement pas stroboscopique) et dont la variété jure un peu avec l’uniformité de la musique.

Brisons avec ce « bougalou » cintré (comme disait un certain Bernard Lenoir, du moins pour le premier terme) et redevenons rock « juste pour un jour » (euh, non, beaucoup moins). The Japandroids est le duo power-punkinet du moment qu’on espère bref. Hélas, leur concert de près d’une heure expose surtout les limites musicales et instrumentales de ces deux gentils garçons. L’unique « The House That Heaven Built » ne nous semble pas affreuse, qui laisse affleurer comme un Bruce Springsteen grunge en gestation (quand même pas la meilleure nouvelle du monde, non plus).

Enfin, il est l’heure de migrer pour le régional de l’étape, Frànçois and the Atlas Mountains qui remplace au pied levé Chairlift, kidnappé par Sandy, le vilain ouragan. Avouons, malgré la dévotion généralisée dont se groupe jouit ici, qu’il nous laisse à peu près aussi froid qu’un reste de tête de veau retrouvé dans le frigo de la maison de campagne que nous prêterait une cousine par alliance en Bretagne ou Pays d’Auge. Tout ça pour dire, qu’on est plutôt vierge et défavorablement prévenu devant Frànçois et ses mini-collines. Eh bien, reconnaissons que c’est plutôt une bonne surprise. De là où nous sommes effondrés, on ne voit rien, et malgré la voix un peu crispante de son leader, le groupe tient la route dans le genre pop-world-new wave qui est le sien, et tout particulièrement sur la « Piscine », leur micro-tube avec une belle envolée au final.

On enchaîne sans quasi bouger avec John Talabot que là encore, on trouve fade et sans intérêt sur disque, comme du Washed Out vraiment délavé. Et idem, même retour de flamme (ou flambée plutôt), le live du sieur doublé d’un comparse à claviers (Pional ?), les deux face à la scène, nous convainc tout à fait, principalement « Oro y Sangre », et son cri de fillette samplé. Bon, cela reste de la house hypodermique, mais pour remuer un ou deux organes (mettons le bassin) en dévisageant le public ultra-branchouille des lieux, c’est à peu près idéal.

Arrive enfin l’un des grands (ou gros) moments du festival, Sébastien Tellier avec en fond le logo de l’Alliance Bleue que les plus finauds de l’assistance – déjà bien alcoolisés – auront peut-être décryptés comme un mix graphique du cercle Yin/Yang avec une croix (Justice n’a qu’à bien se tenir). Très bavard, Tellier nous évoque vite un hybride monstrueux entre un Edouard Baer vulgaire (du coup presque supportable) et un François Bayrou devenu gras et raëlo-christique. C’est à la fois amusant et pénible ; d’ailleurs, les nombreux étrangers présents sont complètement désarçonnés par l’étrange personnage (ils refluent assez vite à l’autre scène pour marquer leur mécontentement). Musicalement, le set de Tellier est très plaisant car centré sur ses meilleurs morceaux (ouf !) dont, finalement et après mûre réflexion, « Cochon Ville « et « Pépito Bleu ». On regrette que le sublimissime « Roche » (notre chanson française préférée de ces dix dernières années) tende plus vers le grumeleux que le spongieux, mais la « Ritournelle » passe bien, et surtout, l' »Amour et la Violence », magnifique, nous poursuit longtemps (c’est à dire trente minutes).

Passons maintenant à James Blake qui après un bel instrumental d’approche fait pousser des cris d’extase à filles et garçons dans la salle, ses premiers soul-râles poussés. On a l’impression une seconde d’avoir un sonotone déficient, car si ce que l’on entend s’apparente à de la justesse, et bien, nous sommes Benoït XVI, approximativement. Confessons une assez grande incompréhension de la musique de M. Blake, qui nous fait penser à des virgules jazz noyées dans une soupe trip-hop comme des pâtes-alphabets pour enfants. Cela n’est pas vilain, mais de là à hurler comme si James était Billie Holliday réincarné en dandinet soundproof, non ! Par ailleurs, le son est impeccable, mais on s’en serait douté. 

Alors que nous patientons alanguis contre un pilier (honni soit…) la venue d’Anthony Gonzalez, une jeune Américaine blonde et bouclée en pardessus fort seyant s’approche et nous pose en français une question que nous pensons avoir mal compris. Elle la répète, et nous lui répondons que non, nous n’avons pas de marijuana, ni d’herbe à vendre, et concluons en anglais (et avec un sourire strict) : « I don’t smoke, it’s bad ». La donzelle refroidie poursuit sa quête impossible auprès d’un petit couple d’étudiants tout à fait anodins. D’où la révélation possible que les dealers new-yorkais ou chicagoans sont aussi transparents que nous – ce qui au moins laisse la possibilité de s’expatrier aux USA pour enfin devenir riches grâce au trafic de drogues (si c’est le cas, nous demanderons la destruction de cette page web pour éviter qu’Interpol remonte jusqu’à nous). Bon, on n’en est pas là, et voici M83, curieusement flanqué d’une section de cordes, ces pièges à gros sous pour groupe en mal d’emphase. Seul contre tous, on aime bien « Hurry Up, We Are Dreaming », mais force est de reconnaître que la transcription scénique de la musique shoe-wave (décryptez la contraction, lecteurs malins !) n’est pas des plus subtiles. Les meilleurs morceaux du sieur Rodriguez fonctionnent malgré tout : l’enfin tubesque « Midnight City », « Steve McQueen » et surtout le volcanique « Couleurs » qui nous fait danser en rappel ou du moins chalouper élégamment jusqu’à la sortie.

 

Le 2 Novembre, nous sommes off, à cause d’un engagement précédent et cataclysmique (Amanda Palmer aphone ou comment prendre en otage des fans transis avec du patronage amélioré). Nous regrettons tout particulièrement d’avoir raté Robyn et les Walkmen. Mais nous nous signons encore de contentement d’avoir échappé au reste (notamment à Animal Collective qui nous rend plus humain individuel que jamais…).

 

Voici venu le samedi, et on arrive tardivement tout cassé ; nos jeunes amis barbus obstruent enfin de nouveau notre champ de vision – dont un tout particulièrement gratiné ressemblant à une version dégénérée et hétérosexuelle du poète Germain Nouveau qui composa, entre deux parties à trois, l’admirable « Poison Perdu » avec Arthur Rimbaud et Paul Verlaine, le définitif Prince des Poètes (et pas son cadet futur trafiquant d’esclaves). Redescendons sur le plancher des vaches avec les Liars dont on apprécie inexplicablement le dernier « WIXIW ». Les deux premiers morceaux du set en sont tirés, ce sont des bombes dansantes post Ministry (dont l’excellent « Brats ») et on est ravis d’être là. Très vite, le groupe quitte ses synthés pour redevenir le trio no-wave un peu plombant qui nous a toujours brouté l’arrière-train. Reste la prestance étrange d’Angus Andrew qui nous fait penser à une version déblaireauïsée de Dave Grohl et l’étonnante vidéo projetée pendant le show, le studio du groupe en caméra statique où les trois Liars passent de temps à autre comme si de rien n’était avec dans les moments creux des objets pris de télékinésie et tremblotant en apesanteur dans l’espace vide. « Spooky ! » comme diraient la jeune bourgeoise droguée ou le faux Nouveau avant que ne résonne à la fin du concert l’immortelle « Moonlight Serenade ». Attention, le « Shining » rôde…

Et il trouve à s’exprimer très vite avec Death Grips, formation arty-trash-néo-grime ou que sais-je encore dont les principaux faits d’armes sont a) d’avoir une bite en érection sur la pochette de leur deuxième album (ça n’est pas gratuit, le titre est écrit dessus à l’encre, on l’espère non-indélébile ; le lecteur le plus perspicace aura deviné que l’album ne s’appelle pas : Supercalifragilisticexpidélilicieux…), b) de s’être fait lourder pour mauvaises manières par sa maison de disques, Epic (deuxième disque livré gratuit sur le web sans prévenir personne). Bon, tout ça est autrement plus passionnant que la bouillie tribalo-hurlarde que n’oserait même pas Tricky dans un nadir absolu d’inspiration. On en regretterait presque Animal Collective, et après trois titres, on réalise que 50 minutes de jam complaisante déguisé en punk d’outre-web pour batterie, sample et faux Iggy black torse-poil, cela ne va tout simplement pas être possible (d’autant qu’après il y a Breton, pfff, et Grizzly Bear, brrrr). On va donc boitiller jusqu’à chez nous et garder la belle impression du premier soir. Fin de l’aventure, comme on dit dans Secret Story (ou Koh-Lanta, ne soyons pas bégueules).

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