La date du concert de James Yorkston rajoutée au dernier moment à l’agenda chargé du Södra Teatern n’a pas aidé, malheureusement, à remplir la grande salle, aka le superbe théâtre à l’italienne du complexe. Nous sommes donc en petit comité, presque que des visages connus, pour entendre le folk anglais de l’ami James.
En première partie, des têtes connues sur scène également : The Late Call. Patric Thorman à la basse, souvent vu et entendu notamment aux soirées de musique improvisée de FRIM, organisées par Ville Bromander, et Johannes Meyer, chant et guitare, mais aussi bibliothécaire de Kulturhuset et intervieweur de notre confrère Julien Bourgeois dans le même lieu pour la sortie de son livre de photo « Swedish Music Landscape » (c’est bientôt les fêtes, pensez-y).
Sommes-nous un peu refroidis par les –10° de cette soirée ou par la salle à moitié vide ? Il nous est difficile de rentrer vraiment dans la pop de The Late Call. Sans forcément filer au bar, nous écoutons, sans ennui, mais, sans réelle passion, cette honnête pop finement orchestrée, très proche de celle que propose James Yorkston sur ses disques (avec certains côtés rappelant agréablement Jens Lekman). On jettera à l’occasion une oreille sur leur troisième album, « Pale Morning Light »…
Johannes est très content d’ouvrir pour James et demande au public combien de personnes ont lu le récent livre de la star. Peu de mains se lèvent. On se planque, honteux : nous n’avons même pas écouté le dernier album…
Le rideau se rouvre sur un James Yorkston seul sur scène et… debout !
Que de changements pour un artiste qu’on suit, certes très épisodiquement, mais toujours avec un grand intérêt. On se rappelle, émus, que notre premier concert vu ensemble fut James Yorkston et ses Athletes… il y a presque dix ans. A l’époque (brume dans les yeux…), il était bien entouré : pump organ, instruments à vents, cordes et tout son petit monde jouait assis, pépère, tranquille, pour ciseler des compositions touchantes et ouvragées.
Nous sommes donc presque déçus de le voir seul sur scène tant ses albums et ses concerts sont riches. Il se montre bien sûr talentueux (il n’y a que les folkeux anglais pour jouer comme ça de la guitare), généreux (une bonne heure et demie de concert) et, nouvelle surprise, disert. Il bavarde volontiers entre les morceaux, racontant des anecdotes et essayant de broder des chutes (plus ou moins) drolatiques, notamment une histoire de prise d’acides avec la grande sœur de sa petite amie avant le tube de l’album « Year of the Leopard », « Steady As She Goes ». En fait, il lâche assez rapidement qu’il vit une sale période : il vient de perdre son contrebassiste d’un cancer. De quoi plomber une vie de musicien en tournée solo et une salle entière. James joue donc l’équilibriste pendant tout le concert entre chansons, plus nues que jamais, et historiettes, histoire de se rassurer et d’essayer de nous faire passer un bon moment (pourquoi un concert ou une chanson triste serait un « mauvais » moment ?). Un peu plus tard, on commence à être intimes, James nous apprend que sa fille de quatre ans a eu une leucémie, que les trois dernières années ont été un enfer et qu’il espère maintenant qu’elle soit tirée d’affaire. Suit une chanson écrite à vif sur le sujet, « The Fire & The Flames », sorte de « The Needle & The Damage Done » de la leucémie, pathétique comme jamais, extrêmement tendue, assez loin de l’univers boisé et tranquille auquel on est habitué. James ne se planque pas (plus) derrière des arrangements soignés et ça fait (vraiment) mal. D’ailleurs, on se surprend à lui trouver une certaine parenté qui nous avait échappé jusque-là avec un autre habitué de la gaîté lyrique : Malcolm Middleton qui aurait avalé le clown Aidan Moffat.
Après une set list plombante à souhait, citons entre autres « The Catch » et « Temptation », vient le temps des rappels et un enthousiaste du second balcon, attendant comme nous les éventuelles requests, ne lui laisse pas le temps d’annoncer son prochain titre et demande le plébiscité « Tortoise Regrets Hare » du non moins bon « When The Haar Rolls In ». James interrompt l’exécution du titre commencé et chante a capella la requête. A capella et un peu à toute vitesse… On se plaindrait presque du gâchis quand on se souvient de la ligne de basse caoutchouteuse qui borde le titre sur l’album.
James termine son set par un Christmas Carol de saison (nous sommes le premier dimanche de l’avent et la neige recouvre les rues de Stockholm) et nous invite à venir le voir au stand de merchandising après le concert mais nous prie de ne pas tout acheter pour en laisser aux Irlandais gourmands la semaine prochaine.
Promis, on achète demain « I Was A Cat From A Book » et on le chronique au plus vite. Au plus tard, pour Noël.