Nous avions loupé le raout du Fire ! Orchestra de l’an passé à Fylkingen (malgré un piquet devant la porte, sous la neige) documenté chez Rune Gramofon (« Exit ») et nous nous étions jurés de ne les manquer sous aucun prétexte lors de leur retour.
En apéro, Mariam The Believer, la chanteuse de Wildbirds and Peacedrums, s’agite dans ses oripeaux néo-hippy telle une Patti Smith du pauvre. Des textes peu enthousiasmants, voire un peu chiants, et des élucubrations déclamées façon folle de sa voix-folle de son corps. Pas fan du tout.
ZEA aka Arno DeBoer de The Ex enchaîne avec un post punk bricolé (guitare et boîte à rythme/sampler) pas très passionnant, ni nouveau mais dont les paroles punk et très anti-bourgeois font agréablement passer la pilule Mariam The Believer. En final, Arno joue un titre dérivé d’une chanson éthiopienne rappelant l’appétit et le prosélytisme de The Ex pour la musique africaine.
Après une courte pause, Mats et sa trentaine de musiciens remplissent la scène. Quatre batteries, deux contrebasses et un bassiste de choix (Johan Berthling de Tape), trois guitares, une généreuse section de cuivre, des multi-instrumentistes, un piano et des claviers, quatre chanteurs avec un seul dénominateur commun : être un improvisateur reconnu dans sa partie. Mats, au centre de la scène, dirige l’ensemble avec plusieurs codes ayant peu à voir avec les coups de baguettes d’un chef d’orchestre « normal » : levant les bras, s’accroupissant, bougeant les mains tel un karatéka.
On pouvait s’attendre à une grosse cacophonie free mais l’ensemble se révèle finalement assez carré. Les compositions reposent sur un riff assez simple et puissant, porté par la basse, et sur lequel brodent les instrumentistes actionnés selon le bon vouloir de Mats. Fire ! Orchestra et Gustafsson, finalement, c’est un peu comme Bach devant un orgue, sauf qu’à chaque touche correspond une individualité très forte. On se régale avec la section de cuivre, quelques fois rejointe par Mats de profil qui souffle comme un damné et qui fait presque trembler par l’intensité de son jeu.
Les voix de Mariam the Believer et surtout de Sofia Jernberg, qui nous laissent habituellement froids, collent tout à fait au côté free de l’ensemble et se révèlent très intéressantes pour leur utilisation quasi instrumentale.
Bien sûr, on n’échappe pas au côté systématique calme/tempête, soit l’alternance couplet/refrain de l’impro, mais la maîtrise technique et le côté visuel marchent à fond.
Finalement on apprécie beaucoup les passages plus calmes et isolant un quartet, un sextet pour mieux profiter des qualités distinctes des participants. En particulier, la partie des deux contrebassistes, l’un en picking sur les aigus, l’autre à l’archet sur les graves, était démente, tout comme l’intro d’un des derniers morceaux, portée sur les échanges entre les percussionnistes et rappelant les folies scéniques des Boredoms et la subtilité des enregistrements de Bed. On regrette seulement d’avoir à peine pu distinguer le jeu de guitare si particulier de David Stackenäs (à l’exception d’un coup de slide sur la fin).
Le morceau précédant le rappel enchaîne chaos organisé en fanfare et solo de kora magistral. On aurait presque voulu que ce soit le final tant c’était beau.
On n’attend plus que la sortie du concert sur galette et le plaisir sera complet.