Du monde, du beau monde pour cette soirée, dont la connotation féminine se double d’une mise à l’honneur du label Talitres, qui propose donc l’Anglaise Rozi Plain en ouverture pour l’Américaine Emily Jane White. L’entrée dans la salle est une bonne surprise : il y a du monde.
La jeune femme de Bristol est bien entourée, entre autres par Vincent Bestaven (alias Botibol) à la basse. L’ensemble donne à entendre une musique assez folk, presque bancale, souvent touchante, car pleine d’une poésie mélancolique, mais pas pesante pour autant. Le charme marche à plein sur moi, bien plus d’ailleurs que sur le disque (“Joined Sometimes Unjoined”). Elle a su se créer son petit univers, qui évoque une balade en bord de mer, avec embruns et soleil doux.
L’arrivée d’Emily Jane White est annonciatrice d’un changement d’ambiance, et pas qu’un peu. L’Américaine a une estrade, une espèce de longue écharpe rouge et un faux air d’égérie folk goth. Autour d’elle, un batteur, un violoncelliste et multi-instrumentiste, ainsi qu’une jeune femme aux claviers… L’ensemble a quelque chose d’intimidant, la mise en scène n’aide pas beaucoup, et l’omniprésence au début des titres du dernier disque déroute, mais ne surprend pas outre mesure non plus. Passé deux chansons environ, j’ai l’impression d’y voir plus clair, d’être dans l’univers d’Emily Jane White. Les morceaux semblent prendre plus d’ampleur tout d’un coup, il y a à la fois du nerf dans les mélodies, cette voix somptueuse, qui carresse de façon menaçante, ces titres qui sonnent plus rugueux en live, mais d’autant plus convaincants (“My Beloved”, “Keeley” et ses nappes de clavier, “Wake”). Et c’est sans doute “Dandelion Daze” et “The Roses” qui ouvrent la porte d’un folk plus classique, moins habité de claviers. “Ode to Sentience”, disque que j’ai adoré, est enfin à l’honneur, avec “The Cliff” où j’en arrive à oublier l’absence de la slide guitar, “Black Oak”, avant que s’ouvre (si je ne m’abuse) la seule parenthèse sur “Dark Undercoat” avec un “Dagger” qui touche en plein coeur. Pas avare, Emily Jane White revient pour un premier, puis un second rappel, avec à chaque fois un peu moins de parements, pour se retrouver seule avec sa guitare. Et rassurer : si Emily Jane White a changé, évolué, elle n’en reste pas moins une grande songwriter.