On les pensait définitivement perdus pour la cause, convaincus qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la France de Vianney et Grand Corps Malade. Mais non, les voici de retour, plus mordants que jamais. Un peu désenchantés aussi, sans doute. Et avec un nouveau batteur. Sur “Memento Mori”, Mustang semble solder les comptes d’une grosse décennie d’activité avec des hauts et des bas : une cote critique enviable et l’admiration de leurs pairs mais des ventes modestes, des tournées au Japon mais une certaine incompréhension du public français. Depuis leurs débuts, les Clermontois montés à Paris – une position d’outsiders provinciaux qui a nourri nombre de leurs chansons, notamment sur ce quatrième album – ont pourtant tout pour eux : un style, un son, un look, un brin de mauvais esprit, des tubes en puissance. Avec ses mélodies impeccablement taillées, ses rimes qui claquent, ses synthés finement utilisés, “Memento Mori” est peut-être le disque le plus abouti du trio, où Jean Felzine se souvient qu’on va mourir, mais n’en fait pas une montagne – une colline, à la rigueur, celle du “Mansion on the Hill” de Hank Williams joliment revisité ici. « Sans filtre », comme dirait notre cher président, mais sans aigreur, le chanteur toujours impeccablement coiffé revisite pour nous ce parcours accidenté, dénué de toute stratégie de carrière, où il s’agissait avant tout d’écrire de bonnes chansons et de s’amuser.
“Memento Mori” est votre premier album depuis 2014. Vous avez toutefois sorti un EP en 2017, tu as aussi publié cette même année un album en duo avec Jo Wedin, puis un EP solo en 2019. Tu estimes que c’est un délai somme toute raisonnable ?
L’album aurait sans doute pu être publié plus tôt car il est terminé depuis l’hiver 2019-2020. Après, il a fallu trouver des gens pour nous aider à le sortir, payer tout ce qu’il y avait à payer, etc. On a commencé à écrire les morceaux il y a bien quatre ans…
Concrètement, comment s’est passée la réalisation de l’album ?
Ça a été un peu compliqué. On a fait quelques sessions dans le studio que notre éditeur avait à l’époque, dont sont sortis “Pas cher de la nuit” et “Fils de machin”. Le morceau “Pôle emploi/gueule de bois”, je l’avais envisagé au départ pour mon disque solo et j’avais commencé à produire le morceau chez moi, mais le côté un peu violent du texte passait mieux avec Mustang. Tout le reste, on l’a fait en trois jours dans un studio avec notre ingé son de concert. Ensuite, ça a pris un temps fou de terminer les morceaux chez moi, de rajouter tous les synthés, de recaler des trucs, de refaire le chant car on s’était planté dans les prises de voix… En tout, ça a bien représenté deux ou trois ans, sur le temps libre des uns et des autres.
Vous décrivez ce nouveau disque comme votre album « le plus cohérent ». En quoi l’est-il davantage que les précédents ?
C’est surtout dans le son, je pense. Le mélange de guitares et de synthés est plus systématique, là où sur les précédents il y avait des morceaux très classiques, guitare-basse-batterie, et d’autres plus aventureux, avec des synthés. Sur “Memento Mori”, la synthèse me semble plus constante.
Mustang n’est ni vraiment chanson française, ni vraiment pop, ni vraiment rock, mais un peu de tout ça, à la fois traditionaliste et moderne, avec une évolution d’album en album. Penses-tu que ce côté inclassable a pu vous desservir ?
C’est sûr que ça nous a rendus plus difficiles à vendre… mais ça a aussi été un atout pour durer. On peut le voir comme une forme d’incohérence, mais aussi comme un talent un peu tout-terrain. On ne s’est jamais posé de questions – qui selon moi sont de mauvaises questions –, du genre : « Est-ce que ça, stylistiquement… ah, je suis pas sûr… est-ce que les gens vont comprendre ? » On s’en est toujours un peu foutu. L’important pour nous, c’est que la chanson se tienne. Après, on s’amuse à lui donner les couleurs qui lui vont le mieux. Moi, je suis chansonnier. Ma méthode, c’est d’avoir d’abord la mélodie et le texte. Je ne commence pas à produire une chanson qui n’est pas finie. Aujourd’hui, la composition et la production sont deux étapes qui ont tendance à se confondre dans la musique. Pas chez moi : il faut que quand je plaque les accords à la guitare ou au piano, et que je chante par dessus, que ça se tienne à peu près. C’est ma façon de travailler, je me raccroche à ça. Ça n’empêche pas de rajouter des trucs un peu plus zarbis après, mais j’aime qu’une chanson soit bien vertébrée au départ.
Penses-tu aussi que votre musique aurait été plus diffusée si les textes avaient été moins grinçants ?
Si on s’était interdit certains mots, peut-être… Et encore, pas sûr. En tout cas, je ne considère pas que mes textes soient cyniques. Ce qui est marrant, c’est qu’un journaliste avait écrit à propos de “A71” que c’était « un premier disque d’une intense naïveté »… Il n’avait dû écouter que “Anne-Sophie”, qui est une chanson naïve en effet, et que j’adore. Parce qu’on ne s’interdit pas non plus ce genre d’écriture, ce serait vraiment horrible si on était juste le poil à gratter de service… J’adore aussi les chansons d’amour. On utilise différents registres de langage comme un peintre varie les couleurs. Mais c’est vrai qu’à l’époque, beaucoup de gens, tout en appréciant notre musique, avaient tendance à trouver nos paroles bébêtes, et ça s’est retourné par la suite. Pourtant, il y avait déjà tout ça sur le premier album. “Le Pantalon”, par exemple, qui est une chanson de commentaire politique. Et d’un coup, l’accent a été mis sur nos paroles « grinçantes ». Après tout, pourquoi pas ? Si ça aide à vendre le disque, ça me va.
Cela vient peut-être aussi de ce que vous projetiez, sans en être forcément conscients.
C’est sûr qu’on ne voulait pas être les mecs sympas de service, mais bon, on était quand même polis avec les gens. Après, dans les chansons, c’est vrai que ça m’intéresse d’aller chercher des choses un peu sinistres, un peu [il hésite…] Ce que j’ai remarqué, c’est que les personnages de mes chansons sont souvent en état de faiblesse, ils avouent des trucs un peu glauques, tristes. Après, il peut être amusant de dire des méchancetés dans des chansons, comme un défouloir. Mais j’essaie de ne pas le faire.
On pourrait parler d’une veine sociale, sans être engagée, à propos de certaines chansons.
Oui, on parle simplement de ce qu’on connaît. On ne roule pas sur l’or, on a des problèmes d’adultes. Après, les mots violents peuvent être utilisés comme des couleurs… Bon, j’ai déjà fait cette analogie ! Quand je commence une chanson en disant que je vais péter sur mon sofa [“Pôle emploi/gueule de bois” sur le nouvel album, NDLR], forcément, ça crée un suspense, on se demande de quoi je vais parler. C’est un effet de style, comme si j’étais réalisateur et que je braquais la caméra sur quelque chose.
« On ne voulait pas êtres les mecs sympas de service, mais bon, on était quand même polis avec les gens. »
Quand vous avez commencé dans les années 2000, on parlait d’une scène auvergnate, ou du moins clermontoise, liée à la salle de concerts locale, la Coopérative de mai. Des groupes qui ne faisaient pas vraiment le même genre de musique, d’ailleurs : Cocoon, The Elderberries… Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je me demande si ça n’a pas été un peu survendu à un moment donné… Ceci dit, la « Coopé » continue à nous aider sur plein de trucs. C’est vraiment un soutien de toujours, sans qu’ils y aient jamais gagné grand-chose eux-mêmes d’ailleurs, c’est donc d’autant plus louable. Didier Veillault, le directeur de la salle, avait flashé sur nous, nous avait aidés à trouver un label… Il y a quelque chose qui lui avait plu chez nous. Le dernier clip qu’on a fait, on l’a tourné là-bas, ils nous ont prêté la salle. C’est un attachement fort. Après, la scène clermontoise, je ne sais pas ce qu’elle est aujourd’hui. J’avoue que même à l’époque, on était un peu dans notre coin.
Tu gardes le complexe du provincial « monté à la capitale » ? La chanson “Pas de Paris”, sur le nouvel album, parle de ça.
J’avais en effet envie d’aborder le sujet sur ce disque qui est un peu celui de notre come-back. J’aime l’idée qu’il raconte d’une certaine façon l’histoire du groupe. Notre premier album, “A71”, marquait notre départ à la capitale. Là, on est un peu revenus de nos illusions et c’est ce qu’on voulait raconter. On s’est rendu compte qu’on n’était pas vraiment solubles dans le parisianisme, qui a toujours existé – c’est un thème qui parcourt la littérature française – et qui peut avoir aussi des aspects sympathiques… On était trop ploucs, trop coincés parfois. C’est de ça que parle la chanson : il faut tout de suite avoir l’air bizarre, intéressant, jouer les artistes. On ne s’y est pas trop prêté, et il y avait aussi une question de différences sociales. C’est comme un fil rouge dans le disque.
« On s’est rendu compte qu’on n’était pas vraiment solubles dans le parisianisme. On était trop ploucs, trop coincés parfois. »
Y a-t-il une certain jubilation à se placer du « mauvais » côté, comme sur “Salauds de pauvres” ou “Dissident” ?
C’est plus intéressant, en tout cas. Si je veux écrire une chanson sur quelque chose de mal, le meurtre, le viol, j’aurais plus tendance à me mettre à la place de l’auteur du crime que d’adopter le point de vue du témoin ou de la victime.
C’est quelque chose que j’aime beaucoup chez Randy Newman, par exemple, mais qui n’a pas toujours été bien compris.
C’est drôle, parce que son morceau “Short People”, qui lui avait valu quelques ennuis à l’époque, était ma référence directe pour “Salauds de pauvres”. C’est en réécoutant la chanson que je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse une comme ça. Je n’idéalise pas du tout les classes populaires. Faut voir ce que ça peut être, quand même… Je ne les méprise pas complètement non plus, bien sûr ! En fait, c’est juste que ça me faisait marrer d’écrire là-dessus. Souvent, ça ne va pas beaucoup plus loin que ça. Mustang, ça reste un groupe de rock, il faut que les paroles soient catchy et que la chanson avance bien.
Pour vos précédentes pochettes, vous aviez utilisé des photos, avec divers effets graphiques. Pour “Memento Mori”, c’est une peinture. De qui est-elle ?
De David Simonetta, avec qui j’avais déjà travaillé pour la pochette de mon disque solo. Il m’avait tiré le portrait à l’encre. Là, c’était une idée que j’avais depuis longtemps, qui aurait d’ailleurs pu être la pochette d’“Ecran total” ou d’un autre de nos disques précédents. Je voulais montrer ces mannequins au bord des routes, qui représentent les victimes à un endroit où il y a eu un accident de voiture mortel. J’ai donc demandé à David d’en faire une peinture, puis d’illustrer chaque chanson de l’album pour le livret du CD et la pochette intérieur du vinyle. C’est un peintre qui a beaucoup de talent. Nous avons discuté longuement, ça a pris des mois pour arriver au résultat final.
L’aspect visuel, c’est important pour toi ?
Disons que j’ai fait un peu de Beaux-Arts. Je me destinais au dessin quand j’étais plus jeune. J’avais un bon coup de crayon. Enfin, je n’avais pas de talent particulier mais je dessinais juste. Bon, les Beaux-Arts m’ont vraiment écœuré mais j’ai gardé le goût de ça. Même si, avec Mustang, on n’a jamais été très doués pour concevoir un univers visuel hyper cohérent. Les packagings bien léchés, ça ne nous intéresse pas trop. Là, je trouvais ça bien de faire travailler un autre artiste plutôt que d’avoir encore des photos de nos gueules. Et puis c’était la seule manière de pouvoir montrer ce que je voulais. Si on avait mis la photo d’un vrai bord de route avec des mannequins, ça aurait été indécent et on aurait pu avoir des ennuis avec les familles des victimes.
Le clip de “Pôle emploi/gueule de bois” est réalisé en animation par Laurent Blot, qui est également musicien. Est-ce que les idées venaient de lui ?
Oui on lui a laissé carte blanche. De toute façon, c’est pas le genre de type qui va faire exactement ce que tu lui demandes. En plus d’être un excellent guitariste, c’est un électron libre. Je me doutais bien qu’il n’allait pas y avoir une quinzaine d’allers-retours, « Et là, est-ce que tu peux mettre une moustache au personnage ? », etc. On a donc défini les grandes lignes au départ et on l’a laisse faire son truc. Et c’était une bonne chose, car j’ai l’impression qu’il s’est beaucoup amusé à le faire.
Vous avez connu plusieurs labels, majors et indés. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
J’ai une asso loi 1901 qui s’appelle Close Harmonie. On sort le disque à moitié sur ce label et à moitié chez Prestige Mondial, qui est une structure créée par Christophe Lameignère, l’ancien big boss de Sony France dans les années 2000. Il s’était éloigné de l’industrie du disque pendant un moment, avant de décider d’y revenir. C’est un type assez étonnant, qui a un peu flashé sur notre album et qui a voulu nous aider à le sortir, via une boîte de distribution de Sony. En gros, pour la première fois, nous nous sommes nous-mêmes occupés de tout ce qui concerne la sortie de notre disque, et c’est plutôt gratifiant. A nos tout débuts, on était autoproduits mais on a vite signé sur le petit label A Rag, qui était sous licence chez Sony. Et là, alors qu’on n’intéressait plus personne, on se retrouve à sortir un nouveau disque à moitié chez Sony. Ça me fait marrer, finalement. C’est un peu à l’image du groupe, qui a toujours eu des velléités populaires, mais avec un fonctionnement très indé pour faire des disques.
Quand vous avez commencé, vous aviez déjà l’impression que c’était le début de la fin pour l’industrie du disque ?
Je ne pense pas que ce soit la fin. On voit que l’album ne disparaît pas, les majors se font de l’argent avec le rap et le streaming. L’industrie change de visage mais ne disparaît pas complètement. Aujourd’hui, si on en avait les moyens, on pourrait sans doute se passer de beaucoup d’intermédiaires pour commercialiser sa musique. Là, en l’occurrence, je suis content de ceux qu’on a trouvés. Je les trouve bien.
Mustang a enregistré plusieurs reprises, certaines inattendues comme “Boulbi” de Booba. Comment choisissez-vous le morceau ? Avez-vous l’intuition qu’il pourra coller à votre propre style ?
On tâtonne un peu au début, mais l’impulsion, c’est simplement que ce sont des chansons que j’aime bien chanter. J’adorais “Mansion in the Hill” de Hank Williams, je l’ai donc adaptée en français pour le nouvel album en traduisant littéralement le titre, “Maison sur la colline”, et on ne s’est pas trop posé de questions. Booba, en revanche, c’était une commande. Notre label de l’époque, qui était donc Sony, nous avait demandé de reprendre un morceau récent. Comme personne ou presque ne faisait de reprises de rap, on a eu envie de s’y coller, d’autant que j’écoutais beaucoup Booba. On a fait ça en une journée au studio Melodium, on s’est bien marrés, et on a tourné un clip lors d’une tournée au Japon. Car non, on n’avait pas été envoyés exprès là-bas pour le faire… Certains s’imaginent d’ailleurs que cette reprise de Booba était un plan très compliqué, alors qu’à la base c’était juste une idée désespérée de notre maison de disques qui ne savait plus quoi faire avec nous ! Il me semble qu’on avait aussi enregistré lors de cette session notre version de “La Forêt” de Lescop. Je rappelle que, là, c’était lui qui nous avait passé commande, parce que des gens pensaient aussi à une sombre manœuvre, croyaient qu’on essayait de profiter de son succès, alors que c’était juste lui qui nous avait très gentiment proposé de reprendre son morceau. Franchement, on n’a jamais eu de grandes stratégies…
Pour en revenir à Booba, c’était un peu ironique. Il faut voir quel est le public du rap hardcore aujourd’hui, ce ne sont pas que des cailleras de Sarcelles… Il y a des blancs de la classe moyenne qui aiment bien faire des gros gestes de rap en disant des saloperies, et cette reprise mettait aussi ça en scène. On l’a juste mise sur YouTube, on n’a jamais eu l’accord de l’exploiter commercialement et de gagner de l’argent avec. Je ne sais pas s’il l’a vraiment écoutée, en fait. Et j’ai arrêté d’aller lire les commentaires sous la vidéo car c’était un tombereau d’insultes. Du moins, ça l’était à une époque.
On a appris récemment la fin de Daft Punk. Ça t’a fait quelque chose ?
Pour moi, ça reste un groupe important. Je pense que ce sont des types brillants, d’une grande intelligence. J’ai quand même un regret avec la French Touch, et notamment avec eux qui en étaient les représentants les plus célèbres, c’est que tous ces musiciens se sont éloignés d’une musique qui pouvait être assez radicale au début. “Rollin’ and Scratchin’”, c’est quand même une espèce d’agression… Et ils terminent avec un disque que je trouve un peu mort à l’intérieur, de révérence absolue aux musiciens américains. “Get Lucky” reste un super tube de disco-funk, mais les tentatives de chansons pop seventies, un peu à la Elton John, sont ratées, elles manquent de substance. Il y a quelque chose de fascinant dans leur épopée, mais qui en même temps me rend un peu triste, je ne sais pas trop comment expliquer ça. Comme beaucoup d’autres de la French Touch, il ont opéré un repli assez infantile vers ce qu’ils aimaient quand ils étaient gamins. Je continue à bien aimer “Discovery”. “One More Time”, c’est une chanson qui me rend fou, je trouve les paroles géniales, il y a une espèce d’extase dans la pop et dans la danse. Mais déjà, avec le clip signé par le créateur d’“Albator”, on avait l’impression qu’ils s’étaient retranchés vers leur enfance et leur adolescence. Pareil pour Sébastien Tellier, par exemple… Alors qu’ils tenaient vraiment le monde par les burnes.
Je regrette aussi qu’ils n’aient pas fait un énorme tube en français même si je sais bien que leur génération a voulu se débarrasser de notre langue. Tu regardes Phoenix, ils ont rendu hommage à la chanson italienne mais ils n’ont pas été foutus d’en faire une en français. J’aurais bien aimé que les Daft Punk, quand ils étaient au sommet, récompensés aux Grammy, fassent une chanson en français qui cartonne dans le monde entier. D’autant que de la dance et du disco dans notre langue, il y en a eu, et je pense qu’avec leurs influences ils auraient pu faire eux aussi quelque chose. Je ne suis pas du tout nationaliste mais je suis attaché à ma langue, c’est mon outil de travail.
Tu ne t’es jamais posé la question de chanter dans une autre langue ?
En fait, je viens de terminer d’enregistrer un nouveau disque avec Jo Wedin qui est chanté en français, en anglais et en suédois. Elle m’a écrit quelques couplets en anglais. Mais au début de Mustang, il ne me serait pas venu à l’idée de chanter dans une autre langue que le français. Je voulais qu’on comprenne ce que je dis, d’ailleurs je n’ai jamais écrit de textes très nébuleux…
J’ai vu que vous vous étiez associés à une marque de cire coiffante. Peux-tu nous en dire plus ?
Ah, c’est une histoire marrante… J’utilisais une marque française qui s’appelle Hairgum, c’était la meilleure que j’avais trouvée. On avait donc eu l’idée de faire une boîte de cire à l’effigie de Mustang pour avoir un objet original à vendre au merch des concerts. On était allées voir l’usine dans la Loire, le patron était très sympa, il nous avait emmenés à Londres pour nous faire faire une coupe de cheveux… Bon, ils devaient penser qu’on était plus célèbres qu’on ne l’est et ils ont produit un volume un peu trop important. Il nous en reste donc à vendre, pour ceux que ça intéresse !
« Mustang a toujours eu des velléités populaires, mais avec un fonctionnement très indé pour faire des disques. »
Vu la situation actuelle, cela fait un moment que vous n’avez pas pu vous produire en concert. Est-ce que ça te manque ?
Bien sûr, d’autant que dans notre cas, ça fait vraiment longtemps. Ces dernières années, j’avais quand même moins tourné. En même temps, je ne peux pas dire que j’ai détesté cette période. Ça m’a permis de terminer mon album en duo avec Jo et mon album solo à la maison, de monter un peu mon home studio, de trouver le temps de faire d’autres trucs. Là, je suis surtout inquiet pour l’argent. La culture ne va pas mourir parce que des tourneurs ou des salles font faillite, même si évidemment on ne peut pas s’en réjouir. Et puis « la culture », c’est aussi bien des disques, des livres ou des films sans âme, dont on ne comprend même pas la nécessité, que des œuvres importantes et originales. D’un point de vue marchand, tout a la même valeur, mais je ne vais pas pleurer sur les comédies françaises de merde qui ne sortiront pas en salle, ou sur des bouquins à l’eau de rose. Je me pose des questions… L’exception culturelle est à double tranchant en France. D’un point de vue économique, ça marche, ça fait bosser plein de gens. D’un point de vue artistique, est-ce qu’on y gagne ? Je ne sais pas. Je pense que oui, quand même. Au cinéma, de grosses comédies stupides permettent quand même de financer des petits films plus intéressants. Mais là, comme tout le monde, j’attends juste de voir ce qui va se passer.
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