Déjà considéré comme une œuvre fondatrice de l’Angleterre post-Brexit, le premier album de Black Country, New Road est un disque tendu, somptueux, en équilibre. Ainsi, si ses racines plongent dans la jeune scène rock londonienne, la musique qui y est produite ouvre grandes les portes du pays vers l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Est et même l’Afrique.
Mettre toute sa passion, ses frustrations, ses tristesses et son énergie dans chaque note jouée. C’est le petit miracle qui a pu être capté par Andy Savours (My Bloody Valentine) lors de l’enregistrement de ce premier album qui fait suite à deux singles ayant fait monter le buzz autour de Black Country, New Road, sextette devenu septette dans l’intervalle. La production est ici en effet incroyable. Alors que le groupe voulait capter l’énergie folle de ces prestations live, le résultat lui est, en fait, supérieur. Chaque instrument résonne magnifiquement autour des boucles simples et expressives qu’il cultive pour créer des paysages sonores dont la diversité saisit et hypnotise l’auditeur. L’espace s’emplit, au fur et à mesure de la répétition des motifs, d’atmosphères musicales qui, bien que déformées par le prisme électrique anglais, évoquent aussi bien les musiques klezmer (dans une démarche qui rappelle celles de Beirut ou même de Matt Elliott) et s’approchent même par moment des circonvolutions de l’Ethiopien Mahmoud Ahmed.
Si la structure du groupe, sa liberté musicale et son énergie engagent à les localiser dans une géographie musicale canadienne, quelque part entre Arcade Fire et Godspeed You! Black Emperor, la comparaison avec le mythique groupe Slint (1986-1990) fait également sens. Les musiciens sont incroyablement jeunes et talentueux. L’électricité sert un propos empli des sentiments contradictoires de l’adolescence, où domine la mélancolie.
La voix grave et profonde, légèrement décalée de la musique, décrit un monde intérieur riche et agité. Profitons d’ailleurs de l’occasion pour rappeler cette anecdote prégnante tirée du magnifique documentaire “Breadcrumb Trail” où Brian McMahan, le chanteur de Slint, raconte comment il écrivit les paroles des chansons du séminal “Spiderland” en réécoutant les bandes des instrumentaux du groupe sur l’autoradio de la voiture de ses parents…
Si, en apparence, les paroles de leurs chansons évoquent les classiques turpitudes de jeunes post-ados anglais (la rencontre accidentelle avec cette fille sur le campus, l’envie d’Amérique…), le tout se distingue par un détachement élégant et un art de la référence (Slint encore, mais aussi Jerskin Fendrix et The Guest), associé à une forme de lucidité crue, propre à leur génération (« I am so ignorant now, with all that I have learnt » ; « In the same room where we fucked as kids »).
Enfin, l’une des réussites du groupe est la manière dont s’exprime sa liberté formelle. Selon leurs propres mots, la composition des morceaux est le résultat d’expérimentations et d’improvisations, mais aussi de la recherche de mélodies accrocheuses. Black Country, New Road ne s’interdit rien et veut ainsi explorer les frontières entre le bon et le mauvais goût, réussissant in fine à déambuler, funambule, sur une ligne étroite où il trouve son équilibre. Impressionnant.
Black Country, New Road enchaîne déjà – POPnews
[…] du début d’année avec son premier album, Black Country, New Road a d’ores et déjà prévu son retour avec un nouveau disque le 4 […]