Les indépendants face à la pandémie
Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.
Lille
Nicolas Bourgeot, organisateur de concerts chez Ah bon ? Productions.
Comment c’était avant, à Lille ?
J’organise des concerts depuis dix ans et durant cette période, Lille a toujours été dynamique en termes de propositions. Peut-être moins qu’il y a quelques années, notamment à cause des soucis de voisinage, mais chaque semaine apportait son lot de concerts intéressants, dans divers registres, divers endroits, et on devait choisir. Des lieux institutionnels de diffusion bien sûr (les deux Smac), mais aussi d’autres plus alternatifs, privés, petits ou grands. Il me semble qu’après Paris, on doit pas être loin d’être la ville la plus stimulante à ce niveau-là. On compte beaucoup de passionnés, fouineurs et curieux, beaucoup d’associations qui organisaient de chouettes spectacles, souvent à des prix modiques. En termes de disquaires, Besides résiste mais c’est le seul à Lille désormais. Depuis la fin de Quelque Part records, Lille a encore perdu un acteur, et contrairement aux concerts, on n’est pas très riche en commerces de ce genre intra muros. Je sais qu’à Roubaix, en collaboration avec La Cave aux Poètes, le Mange-disque a ouvert, mais je ne connais pas encore ce lieu.
Récemment, quelle était la situation de la ville ?
Avant même le reconfinement début novembre, il était quasi impossible pour les lieux qui n’ont que des recettes propres (bar et billetterie) de proposer les concerts qu’ils souhaitaient. Les spectacles n’existaint plus dans la plupart des lieux. Impossible de respecter les conditions d’accueil. C’est pourtant souvent ces moments qui rapportent le plus. Ou alors, il fallait que le groupe ne soit pas trop exigeant : quelques personnes assises, une consommation de bières qui s’effondre, faut pas que le cachet soit trop élevé. La plupart de ces lieux étaient donc à l’arrêt et quelques-uns ont déjà fermé. Seuls les lieux qui touchent des indemnités, notamment via le CNM, pouvaient garder une programmation et encore, souvent bien amputée. Il faut pouvoir supporter les pertes liées à une jauge divisée de façon drastique et à une consommation de boissons qui existe moins, voire pas. Et encore faut-il que les groupes puissent venir. Le dernier concert que l’asso avait prévu, en octobre, a été annulé car le groupe, hollandais, devait respecter une quarantaine à leur retour.
Sur la platine de Nicolas : Pointe du Lac, “A Progressive Approach to the Lak”
As-tu quand même des motifs d’espoir ?
Oui, celui de la prise de conscience que je perçois chez certains, que le manque actuel de spectacles est un crève-cœur. Et que dans la vie de beaucoup, c’était important, stimulant. Si cela pouvait se traduire par la lecture des programmes culturels lors des futures élections, ce serait bien. Pour le reste, il y a un frémissement de reprise, des vaccins qui se profilent, des concerts qui auront lieu, bon, sauf nouveau confinement… Mais, encore un fois, cela concerne surtout les lieux qui vont être aidés. Et c’est vrai qu’il faut pas que cela dure trop longtemps… J’en suis moi-même à une quarantaine de reports et/ou annulations – on ne sait plus – dont trois festivals. Si on ne peut pas se projeter, rapidement, peu de chance que des vocations pour le spectacle vivant naissent. Et ça risque d’appauvrir sérieusement le spectre de programmations.
Comment peut-on vous soutenir ?
En faisant prendre conscience que le spectacle vivant, et plus largement la culture, fait partie de nos vies. Que c’est de première nécessité. Que cela suscite le débat, la réflexion. Et que c’est un rempart contre la bêtise. Et revenir en masse quand cela va reprendre !
Prochain concert prévu d’Ah Bon ? Productions : En Attendant Ana
Quels sont tes projets du moment ?
Le projet du moment est de croiser les doigts pour qu’on puisse reprendre les concerts debout au plus vite. Avant cela, faire des concerts avec des lieux qui peuvent payer les dates sans trop compter sur les recettes propres. On a calé quatre belles dates au Grand Mix par exemple en mars/avril 2021. On va regarder qui d’autres peut nous accueillir en configuration assise. Et on va espérer que les dates dates calées à partir de septembre et le festival Pzzle (5 et 6 novembre 2021) pourront avoir lieu dans des conditions normales.