Les indépendants face à la pandémie
Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.
Paris
Julie David, disquaire et bar Walrus
Quelle était votre situation avant la crise ?
Avant la crise, il y avait… la crise. La grève des transports de décembre 2019 et janvier 2020 a eu un impact très négatif sur notre magasin et juste à la sortie, « bim », confinement. Le constat actuel pour les commerces quel qu’ils soient, c’est donc que nous allons de crise en crise depuis les attentats de 2015. C’est très compliqué.
Quelle est votre situation actuelle ?
Nous sommes fermés depuis début octobre puisque comme vous le savez, notre magasin est également un bar. Nous continuons à vendre en ligne via notre site Internet, en retrait magasin ou en livraison. C’est peu mais c’est déjà ça ! Les dettes s’accumulent à mesure que le temps passe, mais nous restons positives et optimistes. Les aides de droit communs ainsi que celles de la région Ile-de-France et du CNM devraient nous aider à passer le cap, en tout cas nous l’espérons.
Avez-vous quand même des motifs d’espoir ?
Bien sûr, il y en a toujours ! Nous sommes du genre tenaces et pour le moment nous ne sommes pas dehors. De plus il y a des gens compréhensifs autour de nous. Si les bailleurs ont des visions court-termistes (on peut d’ailleurs s’interroger sur ce qu’ils feront quand tous leurs locaux seront vides…), la majorité des fournisseurs ont compris qu’il vaut mieux un retard de paiement que pas de paiement du tout. Le souci c’est que cette crise va bientôt « fêter » son premier anniversaire et qu’entre les deux confinements, le business n’est pas vraiment reparti. Nous gardons l’espoir d’une fin de cette épidémie dans les mois à venir et espérons que nous pourrons rapidement nous « tousser dans la figure collés les uns aux autres avec une pinte de bière au comptoir d’une salle de concert ».
Comment peut-on vous soutenir ?
Nous avons déjà été très soutenues ! Nous avions mis en place une cagnotte au sortir du premier confinement qui nous a permis de payer deux mois de loyer sur les quatre ou nous étions fermés. C’est énorme et nous espérons toujours que nous pourrons faire une grande fête bientôt pour remercier tous nos clients qui ont participé à cette cagnotte. En dehors de ça, nous sommes tous concernés par le soutien aux commerces de proximité si nous ne voulons pas que nos quartiers soient déserts demain. C’est banal, mais nous disons comme tout le monde : il faut consommer local, et si on n’a pas de petits commerces en bas de chez soi, il vaudra toujours mieux commander à la Fnac ou chez Leclerc, entreprises françaises qui payent des impôts en France, plutôt que d’aller sur Amazon.
Continuez-vous à travailler à des projets en attendant une situation plus propice ?
Il y a trois ans, nous avons créé avec d’autres collègues disquaires le Syndicat GREDIN (Groupement des Disquaires Indépendants Nationaux) pour les disquaires indépendants car il n’en existait pas. Malheureusement/heureusement le syndicat prend tout son sens dans cette période. Nous avons été très occupés pendant le premier confinement et le sommes de fait à nouveau !Nous envoyons des newsletters d’information à nos confrères et essayons d’aider et de rendre compréhensible toutes les infos qui arrivent. Nous tentons depuis quinze jours de faire bénéficier à nos magasins de la même réduction de frais de port que pour les librairies [finalement obtenue, NDLR], nous demandons des reports d’échéances, nous cherchons des aides supplémentaires, etc. Nous travaillons aussi depuis deux ans à la mise en place d’une plateforme de click & collect pour tous les disquaires indés, telle qu’il en existe pour les librairies. Nous espérons que celle-ci pourra voir le jour en début d’année.
Le site web du Walrus est ici.
Photos : en haut, Caroline et Julie au comptoir (© Marie Destouet) ; en bas, l’un des derniers showcases avant confinement au Walrus, avec Yvonne La Nuit.