C’est en 2015 que l’on a fait la connaissance de Lomelda. Cette année-là, la jeune Hannah Read, originaire de la ville de Silsbee au Texas, sortait son premier album sous ce nom. “Forever” proposait un indie-folk teinté d’un certain lyrisme, avec quelques moments plus électriques. Mais c’est surtout avec sa signature sur le label Double Double Whammy et la sortie de l’album “Thx” en 2017 qu’elle s’est révélée au travers d’un album plus posé, plus mature, plus élégant et abouti, avec de très bonnes chansons où elle racontait notamment sa nouvelle vie en tournée et les longs voyages que cela impliquait. Bien que nouvellement installée à Los Angeles, c’est toujours dans sa ville natale de Silsbee qu’elle a enregistré, en un week-end (!), “M for Empathy”, son album suivant, une collection de courtes chansons acoustiques très dépouillées parue en 2019. Et bien sûr, c’est toujours chez elle au Texas, plus précisément au studio Lazybones de son frère Tommy Read, qu’elle a enregistré son nouvel album qui vient de sortir. Cependant, cette fois-ci, sur une durée d’un an, elle s’y est reprise à trois fois avant d’être totalement satisfaite du résultat, faisant à chaque fois le voyage depuis Los Angeles.
En résulte ce qui est peut-être son album le plus personnel. Hannah Read a toujours eu l’habitude de se raconter, de se dévoiler dans ses chansons. Ici, elle le fait sans doute de manière plus franche encore, allant jusqu’à utiliser son propre prénom comme titre de l’album. Plusieurs titres de chansons reprennent également son prénom (“Hannah Sun”, “Hannah Happiest”, “Hannah Please”), démontrant son incontestable volonté d’introspection. Cet album contient beaucoup de chansons où elle semble s’adresser à elle-même comme pour prouver qu’elle n’a rien à cacher, qu’elle peut tout donner (« When you get it, give it all you got you said », phrase répétée en boucle sur “ Wonder”), que même ses chansons sont gratuites (« I don’t own it / The songs are free » dit-elle au début de “Stranger Sat By Me”). Sur “It’s Lomelda”, elle va jusqu’à citer les artistes auxquels elle s’identifie le plus (Low, Yo La Tengo, etc.). Le tout de façon très concise, une constante chez Lomelda semble-t-il, de nombreuses chansons ne dépassant guère les deux minutes.
Musicalement, nous avons affaire à une grande variété de styles, qui fait véritablement la richesse de cet album, d’autant qu’elle est doublée d’une vraie cohérence qui rend sa musique parfaitement identifiable. Entre rythmes ralentis typiques du Sparklehorse du regretté Mark Linkous avec apparition d’une guitare saturée par moments (“It’s Lomelda”, “Stranger Sat By Me”, “Big Shot”), titres plus acoustiques, doux et alanguis où la voix sensible et maîtrisée d’Hannah Read accompagne avec calme et discrétion une musique pleine de finesse et de sensibilité (“Hannah Sun”, “Polyurethane”, “It’s Infinite”) et d’autres plus rock, plus rythmés voir grunge (“Wonder”, morceau à la fois écorché et accrocheur, assurément l’une des chansons de l’année, “Reach” et l’instrumental orageux “Both Mode”), l’auditeur attentif ne peut être que comblé. Au milieu de l’album, avec “Hannah Happiest”, il a même droit à une chanson presque country où la maîtrise instrumentale et rythmique de Lomelda est encore plus patente.
Ce nouvel album s’avère un peu dans la lignée de “Thx”, mais avec nettement plus de relief et de variété. On constate donc que Lomelda ne cesse de progresser, qu’elle fait désormais partie des artistes majeurs du folk américain contemporain, artistes qu’il n’est même pas la peine de citer tant la Texane fait aujourd’hui jeu égal avec eux.