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Sur la platine d’Olivier Popincourt

Bien connu des amateurs de pop franciliens, Popincourt (Olivier de son prénom) a sorti il y a quelques jours un nouvel album, “A Deep Sense of Happiness”, plein de mélodies primesautières ou plus mélancoliques et d’arrangements délicats et soignés. Ce musicien attaché à une certaine idée du songwriting anglo-saxon, classique sans être passéiste, est bien sûr un mélomane averti, entre jazz, folk-rock californien, soul, power pop et new wave nerveuse. D’où l’idée de lui demander une petite sélection commentée pour nous dévoiler toute la variété de ses goûts et de ses inspirations. A lire et à écouter ci-dessous.

Wes Montgomery – Beaux Arts (1961)
J’ai commencé à prendre des cours de guitare jazz vers 15 ans, avec comme objectif non pas de devenir un virtuose mais de comprendre comment l’harmonie fonctionnait et comment appliquer des accords jazz dans la pop, comme le faisait mon groupe préféré de l’époque (et toujours maintenant) : The Style Council. Wes est connu pour son jeu unique – utilisant son pouce au lieu d’un mediator – et a révolutionné l’instrument, publiant de nombreux disques passionnants. J’adore particulièrement ce titre, en trio, avec ses frangins : groove impeccable et jeu très mélodique, jamais démonstratif.

Dexter Gordon – Scrapple from the Apple (1963)
J’adore Gordon : un vrai poète de l’instrument, avec un son énorme. Il revisite ici un standard de Charlie Parker avec une énergie folle et une maestria rarement atteinte. J’aime bien mettre en regard ce qui se passait à cette époque : les Beatles et les Stones commençaient tout juste.

 

Stan Getz & João Gilberto – Desafinado (1963)
Même année avec ce classique absolu et la chance de découvrir ce disque avec mes amis, vers l’âge de 16 ans. Une œuvre indémodable avec des mélodies accrocheuses cachant en fait une grande complexité harmonique, notamment sur ce titre. Tout atteint la perfection, les compositions, le son, la prise de son, l’interprétation, l’atmosphère créée, les voix et bien sûr le sax de Getz. La pochette et le design font également partie de cette équation merveilleuse, de ce tout.

 
The Byrds – I’ll Feel a Whole Lot Better (1965)
Un de mes titres préférés tous styles confondus : le son de la Rickenbacker de McGuinn qui répète le riff joué par Crosby au début, les chœurs parfaits… Et ce titre, une anti-chanson d’amour ? Je galérais à trouver un solo qui me plaisait pour le morceau qui ouvre l’album, “The Grass Of Winter Morning”. Dans ces moments de blocage, la solution est toujours de revenir à ses basiques : le choix de faire un solo sur plusieurs notes comme sur ce titre s’est imposé en réécoutant les Byrds.

The Who – Pictures of Lily (1967)
Dans une telle sélection, je me devais d’avoir un peu de mod beat ! Pourquoi pas The Who avec ce titre fou, ce texte plutôt osé, ces beaux arpèges, ces power chords et ce cor anglais qui déboule de nulle part !  Vidéo incroyable avec Keith Moon en grande forme. Flamboyant ! Je fais une allusion évidente à ce titre au sein de “My Whole World Is Fallen Down”, qui clôture la première face du nouvel album.

Gil Scott-Heron – Save the Children (1971)
Impossible d’échapper à quelques titres de soul dans cette sélection, et le choix est évidemment infini…. Voici donc cette chanson de Gil Scott-Heron, moins politique qu’à l’accoutumée, très touchante, avec une excellence d’exécution incroyable, un line-up très léger et cette flûte si douce.

 
Esther Phillips – Home is Where the Hatred Is (1971)
Même année, un autre titre de Gil Scott-Heron réinterprété cette fois par la fabuleuse Esther Phillips. A l’opposé du titre précédent, on dégaine ici l’artillerie lourde, le grand orchestre ! On touche au génie avec ce texte fort, parlant de l’addiction, le groove impeccable, la voix d’Esther si particulière et les arrangements fous de Pee Wee Ellis (des JBs !), notamment pour ce qui est des cordes ! Envie de ressortir ma wah-wah d’ailleurs après réécoute !

 
Dwight Twilley – Looking for the Magic (1977)
La power pop est un genre sous-estimé, post Beatles et précédent le punk, et qui semble réservé à un petit cercle. Un style que j’adore bien entendu pour les aspects mélodiques, l’énergie, encore, et le son brut mais clean, pas saturé (comme ce peut être le cas de nombreux disques punk que je n’arrive plus à réécouter….). J’aime beaucoup ce titre et cette vidéo avec Tom Petty à la basse, et l’effet sur la voix que j’ai reproduit un peu sur le titre “A Deep Sense of Happiness”.

 
Elvis Costello & The Attractions – Oliver’s Army (1979)
Bon, on enchaîne avec ma sainte trinité personnelle : Elvis, Joe & Paul. Ce serait très réducteur de dire que Costello vient du punk tant il fait montre dès le début d’une grande culture musicale et d’une grande maturité artistique, mais sa personnalité et ce côté teigneux du début de sa carrière se fondent bien dans l’époque. Son groupe est imbattable, on pourrait décliner les qualités de tous les musiciens. J’admire particulièrement Bruce Thomas, mon bassiste préféré avec Graham Maby du Joe Jackson Band. J’adore la basse et même si je me débrouille avec cet instrument, j’ai voulu sur ce disque – comme sur le précédent avec Ken Stringfellow (Posies, Big Star) – faire appel à un pro, Fred Jimenez, qui joue vraiment de manière très mélodique, subtile et personnelle. Pour en revenir à “Oliver’s Army”, cette composition est démente et j’adore les arrangements dont ces notes de piano très influencées par Abba [Costello n’a jamais caché être un grand fan des Suédois, NDLR] !

 
Joe Jackson – Friday (1979)
Je suis tombé raide dingue de “Night & Day” de Joe sorti en 1982, un superbe album latino, enregistré à New York, sans guitares, et un beau pied de nez à la scène post-punk et new wave. Une grande influence qui m’a beaucoup ouvert au jazz. Il a eu de bons moments d’égarement fin 80’s et début 90’s, mais c’est un artiste vraiment libre et qui ne cesse de se renouveler. Ses trois premiers albums ont une énergie incroyable, avec une rythmique au top. Comme j’évoquais la basse précédemment, voici Graham Maby en pleine verve sur ce titre sous stéroïdes !

Paul Weller – A Man of Great Promise (live, 2002)
Au lieu de choisir un extrait d’un album studio de The Jam ou du Style Council, voici donc Paul Weller là où il aime être, sur scène, au sommet de sa maîtrise de la pop, revisitant ici “A man of Great Promise”, extrait de l’un de mes albums préférés (“Our Favourite Shop” du Style Council). Evoquant un ami décédé, le texte est particulièrement poignant. Nicolas Sauvage a écrit la première bio en français de cet artiste, “Life from a Window”, fortement conseillée pour comprendre une œuvre unique qui se décline sur cinq décennies.

 
Sondre Lerche – Say It All (2007)
Ici, l’idée est d’expliquer que je n’ai pas les yeux uniquement rivés sur le rétroviseur ! Même si je suis insensible à la Britpop (peut-être parce que je vivais en Afrique au début des années 90 ?), j’ai bien entendu eu des coups de cœur depuis les années 2000 : The Coral, Magic Numbers, Field Music, le premier Kaiser Chiefs, The Ordinary Boys, I Am Kloot (lire plus loin), plus récemment le premier Anna Calvi et, donc, Sondre Lerche. Ce mec a tout pour lui : beau gosse, super chanteur, excellent guitariste et compositeur, très chaleureux sur scène, avec beaucoup d’humour. Ce morceau particulièrement est très beau et enlevé en même temps : complètement ma came.

Bertrand Burgalat – Sous les colombes de granit (2012)
J’ai une grande admiration pour Bertrand Burgalat : plus qu’un musicien, c’est un visionnaire, un militant, un entrepreneur, un découvreur de talents (Chassol ! Catastrophe !), un homme libre avec un groupe du tonnerre. J’écoute très peu de musique “en français”, mais avec lui ça marche toujours, grâce au soin porté à la production, l’élégance de ses projets. Et le texte de cette chanson est somptueux. Le titre lui-même est un mystère. Bien entendu, je ne suis pas peu fier d’avoir deux membres d’A.S Dragon sur mon nouvel album !

 
I Am Kloot – Some Better Day (2013)
Et il y a donc également I Am Kloot, certainement mon groupe préféré des années 2000 : trio parfait, chanteur extraordinaire et généreux. Excellents sur scène (ce batteur !). Je n’arrive pas à comprendre pourquoi un groupe comme celui-ci n’a pas eu plus de succès… Ce titre et très touchant et le clip [avec l’excellent acteur John Simm, bien connu des amateurs de fiction télé britannique, NDLR] me chavire à chaque fois.

 
Cabane – Tu ne joueras plus à l’amour (feat. Bonnie “Prince” Billy) (2020)
La musique folk/indie m’ennuie généralement. Je ne sais pas si on peut mettre ce disque dans cette catégorie, ceci dit… En tout cas, j’ai été de suite happé. C’est vrai que j’adore le son de la guitare classique, si peu utilisée dans la pop, et ici c’est fait avec brio ! Ce disque est d’une beauté incroyable de bout en bout. La meilleure chose que j’aie pu écouter en 2020 !

 

(Photos : Mathieu de France)

A voir ici, le petit live de la release party “virtuelle” de l’album.
Popincourt & guests en showcase au Walrus (Paris) le 10 octobre.

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