Tricotages acoustiques, trashages électriques et tripotages numériques : triplette magique de Six Organs Of Admittance peut-être un peu trop sage, voire trop dans les clous.
Attention, Ben Chasny est de retour et ce, pour un album partiellement enthousiasmant après Burning The Threshold paru en 2017. Oubliés les tarabiscotages d’Hexadic, Chasny revient à ses fondamentaux : boucles de guitares acoustiques entêtantes et débordements électriques tout azimuts. Le tout enregistré lui-même, strates par strates. À l’ancienne.
Pour autant les chinoiseries de composition ne sont pas absentes : le numérique et ses possibilités ont fait place à l’analogique et, nous précise-t-on, des algorithmes ont été utilisés notamment sur les percussions pour altérer les rythmiques. Est-ce là que le bât blesse ? Pas sûr, parce que cela ne s’entend pas a priori mais c’est une piste intéressante car il y a bien une étrangeté dans cet album qui semble somme toute très familier à nos oreilles Chasnysées. Une sorte de ghost in the machine numérique, quasi indécelable mais qui serait surtout une coquetterie critique.
On apprécie le retour à des guitares acoustiques assez brutes, avec beaucoup de cordes qui frisent, assez frontales et formant la première couche rythmique, et les déflagrations électriques, folies en semi-liberté, qui viennent animer le corps de la composition. L’ennui vient peut-être de ce schématisme-là et de devoir aller chercher dans le fond les textures et les glissements, de retrouver la rythmique des percussions enfouie sous l’exosquelette acoustique. Disons que l’ensemble, riche, est un peu sage en surface et qu’il faut creuser pour trouver de la matière. Et tendre l’oreille aux chansons (ça on y est habitué), un peu plus directes et moins absconses qu’à l’accoutumée. Tout cela pour dire que Companion Rises, mais c’est le constat des albums de Six Organs depuis un certain nombre d’années, se mérite et qu’il faut se donner la peine de se plonger dans une écoute attentive, anti Spotify d’ambiance.
On apprécie en tout cas des textures à la Fennesz sur « Pacific » ou « Worn Down To The Light », ou encore l’indiennerie « Black Tea », qui renoue avec les grandes compositions de Chasny (d’ailleurs profitons-en pour rappeler qu’une réédition en LP de For Octavio Paz est disponible ainsi que des titres bonus gratuits), un peu plus sensible que le reste, somme toute assez intellectualisé.
On aime aussi le (folk ?) rock brut de décoffrage sur « 101 » avec ces lacérations électriques, les départs vers d’autres cieux sur « Companion Rises » (jolie intervention de claviers minimaux), sur « Haunted And Known » (surgissement de nappes crades finales) ou sur « Mark Yourself » (salopage modulaire à mi-titre et fin en douceur sur quelques notes de piano qui se perdent dans l’espace).
Chasny se montre toujours à l’affût de nouvelles voies de composition, de production et d’écriture, et c’est bien. Reste qu’on le préfère plus instinctif et sauvage.
Avec l’aide de Johanna D., qui attend le retour de Scout.
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