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Disques

Horsegirl – Phonetics On and On

Sur leur deuxième album, les Américaines d’Horsegirl démontrent qu’elles ont su rapidement évoluer, dans un esprit joueur et aventureux du plus bel effet.

Il est souvent passionnant de voir évoluer un groupe sur la durée. Le style qu’il présente au départ peut progressivement voire radicalement changer avec le temps. Les essais et tentatives, quand ils sont couronnés de succès, peuvent ravir grandement ceux qui les découvrent. Nous en avons un bel exemple avec le trio Horsegirl qui s’était fait remarquer avec son premier album “Versions of Modern Performance” sorti chez Matador en 2022. Sur celui-ci, les trois jeunes femmes, alors lycéennes à Chicago, pratiquaient un indie rock bien noisy et bien lourd typique des années 90 (pour l’enregistrement, elles avaient d’ailleurs eu le privilège d’accueillir Lee Ranaldo et Steve Shelley de Sonic Youth). Mais après le lycée, les deux guitaristes Nora Cheng et Penelope Lowenstein (qui, dans le groupe, sont accompagnées de Gigi Reece à la batterie) sont allées à l’université à New York. Elles ont alors découvert un nouvel univers, une nouvelle liberté qui ont forcément influé sur leur songwriting. Surtout, étudiantes en anglais, elles ont pu appréhender les charmes de la linguistique et les possibilités que cela offrait, n’hésitant pas maintenant à jouer avec les mots et les syllabes autant qu’avec leurs guitares.

Nous en avons la preuve dès “Where’d You Go ?”, morceau de moins de deux minutes, aussi tendu que dynamique, rappelant les grandes heures des Feelies qui, en guise d’introduction, nous abreuve déjà en “ouh ouh” et autres “lalala”. Comme on peut l’entendre sur le titre suivant “Rock City”, où l’on est porté par le rythme avec sa basse proéminente qui accroche l’oreille, les onomatopées de ce type sont effectivement légion. Du reste, au milieu du disque, la déclaration d’intention qu’est la chanson “Information Content” énonce explicitement les choses avec ses paroles chantées par Nora Cheng : « It’s never dull when I’m alone / I’m translating my talk to tones / I’ll play you out ahoo ahoo ahoo / You hate the sound ahoo ahoo ahoo ». Un esprit joueur est donc de rigueur. Sur cette chanson vraiment pivot, transparaît également l’évolution musicale du groupe qui fait ici franchement penser aux Raincoats avec cette impression qu’il donne d’être désaccordé, arythmique tout en tenant admirablement debout.

Après le rock noisy très teinté nineties mais surtout passablement monocorde si ce n’est monotone de leur premier disque, Horsegirl se tourne ainsi vers le début des eighties avec des influences comme les Feelies déjà évoqués ou les Raincoats donc, avec lesquelles la filiation semble assez évidente par ce goût pour l’aventure qui les caractérise. Il faut dire qu’elles ont été à bonne école puisque c’est rien de moins que Cate Le Bon qui a produit leur album enregistré, qui plus est, à The Loft, le studio que Wilco possède à Chicago. Quand de telles fées se penchent sur votre berceau…
Lors de cet enregistrement, la Galloise a su apporter de l’espace dans les chansons, les instruments en ressortant très clairement, très nettement. Ce son clair et net se retrouve sur une alternance de morceaux plus calmes et d’autres plus rythmés qui démontre que le groupe sait varier les ambiances tout en gardant une vraie identité, une vraie cohérence. Que ce soit avec, d’un côté, la belle ballade “In Twos” ou la country moderne, hors des sentiers battus, de “Frontrunner” ou, de l’autre, le rythme trépidant de “Well I Know You’re Shy” ou de “Switch Over” où l’on secoue la tête ardemment, Horsegirl maîtrise son sujet. Le groupe le maîtrise d’ailleurs jusqu’au bout puisque le titre conclusif “I Can’t Stand To See You” apparaît finalement comme une très bonne synthèse de leur style sur ce disque, avec cette cadence bien enlevée où beaucoup de “dadada” accompagnent une batterie et une basse qui ressortent nettement.

D’une manière finalement très légère et aérienne, les trois jeunes femmes d’Horsegirl ont donc su rendre leur second album vraiment séduisant et convaincant. Elles ont également démontré qu’elles savaient vite évoluer et assimiler de nouveaux sons et de nouvelles musiques, toujours dans un esprit d’aventure évoquant les joies et plaisirs simples de l’enfance. Que surtout elles ne changent rien car cela augure du meilleur pour l’avenir.

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