Pour faire suite à leur récente interview, on se devait de revenir sur le nouvel album de Mogwai, “The Bad Fire“.
On observe souvent deux facettes chez Mogwai. Il y a d’abord celle bien ancrée dans les sonorités post-rock, qui avait secoué les pisse-vinaigre à la fin des années 90 en nous proposant une alternative écossaise aux déferlements soniques de Slint, Bastro et Shellac. On se souvient encore avec émotion de leur passage au Festival des Inrocks en 1997, où Stuart Braithwaite, Dominic Aitchison, Martin Bulloch, John Cummings et Brendan O’Hare avaient irrémédiablement noyé la salle d’une pluie de larsens après avoir calmé tout le monde avec une suite d’arpèges moroses.
Il y a aussi la facette plus ambient, qui laisse tranquillement la place aux synthétiseurs, voire aux sonorités électroniques, comme c’était notamment le cas sur “Happy Songs for Happy People“ ou encore l’ensemble de leur bandes originales avec l’immense “Atomic“. Et puis il arrive que ces deux facettes se mélangent en un seul geste flamboyant, comme aujourd’hui encore avec leur nouveau disque, “The Bad Fire“.
L’inaugural “God Gets You Back“ ne viendra pas contredire cette direction. Une suite d’arpèges et des notes de clavier laissent doucement la place à une basse ronronnante et une rythmique solide, tandis qu’une voix bidouillée par un étrange filtre vient nous prendre par la main. Mogwai ne nous noie plus sous une rafale de distorsions, et a su, avec le temps, trouver d’autres nappes sonores plus aimables mais toujours en lien avec l’humeur du moment. Cet entre-deux perdure sur “Hi Chaos“ où l’on se cache sous des filtres cotonneux, comme pour mieux se faire le reflet de nos mémoires fracturées. Le groupe semble composer avec le conscience d’une époque, notamment avec ce “What Kind of Mix Is This?“ qui est autant une enclave pacifique qu’une décharge violente.
Plus contemplatif, “If You Find This World Bad, You Should See Some of the Others“ fera vite partie de ces musiques à la fois fonctionnelles et indispensables pour se concentrer. Une longue nappe de guitare saturée et une voix fantomatique s’étirent sur “18 Volcanoes“ avant de se désintégrer progressivement devant nous. Que l’on ne se trompe pas, chaque partition introspective est truffée de détails mélodiques et de notes bourdonnantes qui sont autant des bulles confortables contre les bruits de bottes de plus en plus forts à travers le monde qu’un appel à la résistance. Mogwai n’est sûrement pas aussi ouvertement politique que Godspeed You! Black Emperor, mais chaque membre du groupe donne l’impression de brandir le poing tout en remettant une forme de désespoir lucide à l’ordre du jour.
Sur deux titres, “Fanzine Made of Flesh“ et “Lion Rumpus“, Mogwai choisit la rupture en adoptant une structure rock plus classique avec une voix mise plus en avant qu’à l’accoutumée, malgré un filtre Vocoder. En conviant ainsi tous les aspects de sa musique – post-rock, hardcore, musique électronique, bande-son élégiaque –, Mogwai pourrait donner l’impression de brouiller toutes les pistes. Mais ce mélange a toujours fait partie de leurs compositions, pour habiter nos esprits et tutoyer la stratosphère.