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Disques

Martin Circus – Evolution française (1969-1985)

Le label Born Bad remonte le chapiteau de Martin Circus le temps d’une compilation riche en surprises, bonnes pour la plupart.

Martin Circus, c’est bien sûr le sympathique “Je m’éclate au Sénégal”, énorme tube (800 000 exemplaires vendus) de l’année 1971 en France. Mais c’est beaucoup plus, et souvent mieux, comme le rappelle la nouvelle exhumation du label Born Bad, qui avait déjà brillamment compilé des trésors méconnus de Pierre Vassiliu ou Henri Salvador. Conçu par l’érudit Guido Minisky avec une subjectivité assumée qui place le résultat à l’opposé de l’anthologie exhaustive ou du best-of façon « Les plus grands succès », “Evolution française” rassemble dix morceaux couvrant toute la carrière du groupe (1969-1985), dont plusieurs faces B et singles sortis entre les albums. Et ceux qui n’avaient qu’une connaissance superficielle de ladite carrière risquent d’avoir quelques surprises.

Portée à ses débuts sur le prog rock et le psychédélisme, la formation aura été souvent considérée – et aujourd’hui encore – comme un représentant rigolo de la variété seventies (la faute au “Sénégal”, à sa participation au film “Les Bidasses en vadrouille”, aux scènes de gala partagées avec Sardou, Johnny ou Dave, au fait que Ticky Holgado ait été leur manager pendant quelques années…). Elle se sera pourtant essayée, au fil des ans et des changements de personnel, aux genres les plus divers. A l’instar de Spinal Tap dans le “documenteur” du même nom, les Martin Circus auront tenté de suivre les modes et auront bouffé un peu à tous les râteliers, mais le talent et l’inspiration leur auront rarement fait défaut.

On trouvera donc ici de la pop prog flamboyante et mélodramatique à la Procol Harum (“Tout tremblant de fièvre”), des riffs gentiment heavy (“Les Indiens du dernier matin”), de l’opéra rock (un extrait de la fameuse comédie musicale “La Révolution française”, qui comptait également Bashung, Balavoine et les Charlots au casting) ou encore “Mon premier hold-up”, déclinaison mordante du fameux “Let’s Dance” de Chris Montez (1962) tirée d’un album entièrement composé d’adaptations de tubes des sixties. Mais, dans le parcours chronologique retracé ici, le plus étonnant est sur la deuxième face (ou la deuxième moitié du CD).

On découvre ainsi ébahi le bien nommé “Disco Circus” de 1979 dans son edit de 7 minutes (la version originale, ci-dessus, dure le double) signé par François Kevorkian, fameux DJ et producteur français établi à New York. Succès dans les clubs de Manhattan et Chicago, cette bombe deviendra une référence pour les plus grands maîtres des dancefloors (Laurent Garnier, Carl Craig, Juan Atkins…) et sera samplée des dizaines de fois dans les décennies suivantes. Si quelques éléments de ce morceau (les chœurs extatiques, notamment) peuvent encore le raccrocher à la production passée du groupe, “Bains Douches” (1980), au titre tout aussi parlant, le voit en revanche changer totalement de style et prendre acte de l’entrée dans une nouvelle ère. L’idéal communautaire qui avait porté les Martin Circus à leurs débuts (difficile de ne pas penser à Gangrène Plastique dans les flash-backs de “Mes meilleurs copains” de Jean-Marie Poiré…) laisse la place à l’individualisme et la branchitude des années 80. Synthés, saxo, rythmes métronomiques et chant étranglé sont désormais de rigueur. Vous rêviez d’une rencontre entre Marquis de Sade, Plastic Bertrand, Richard Gotainer et le Christophe de “Cœur défiguré”, avec un soupçon de Chagrin d’amour ? Vous l’avez à peu près.

L’album dont est tiré la chanson, “De sang froid”, fait un flop prévisible et signe le début de la fin de cette formation au destin chaotique. Vaquant chacun à des occupations souvent lucratives (le moustachu Gérard Blanc cartonnera bientôt avec “Une autre histoire”), ses membres ne se retrouveront que pour une poignée de singles montrant néanmoins qu’ils n’ont pas perdu la main et suivent de près les tendances, entre italo disco et electro-jazz-funk léger telle qu’il se pratique outre-Manche au mitan des eighties.
Bien sûr, on peut estimer qu’Etienne Daho ou Stephan Eicher – pour ne citer qu’eux et rester en France – enregistraient des choses plus essentielles à cette époque. Mais, s’appuyant sur un solide savoir-faire à l’opposé des hits préfabriqués du Top 50, Blanc, Pisani, Pauchard et consorts auront toujours réussi à exprimer leur singularité malgré les entraves du music business. Tout cela peut quand même sembler bien loin des signatures récentes de Born Bad, de Vox Low à Gwendoline en passant par Bryan’s Magic Tears. Et pourtant, dans leur volonté farouche de tracer leur route sans faire de compromis, ceux-ci perpétuent d’une certaine manière l’esprit libertaire des Martin Circus, un groupe qui, le plus souvent, n’en avait « rien à foutre » de ce qu’on pouvait bien penser de lui.



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