Que l’on se rassure, le cœur du rock français bat toujours aussi fort du côté de Rennes. La preuve avec Zeitgeist Impressions, premier album des trois punk-poppeurs lettrés de Food Fight, qui dressent pour POPnews leur playlist idéale.
On les croirait sortis directement de la fin des 70’s ou du début des 80’s dans le nord de l’Angleterre, prêts à en découdre avec la politique anti-pauvres de Margaret Thatcher. Leur rock vintage, mélodique, prolo, humble et arrogant à la fois, y est pour beaucoup, mélange de british beat des 60’s, de punk anglais à la sauce Buzzcocks ou Television Personalities, en passant par une indie-pop de caractère, dans la veine des Housemartins. Zeitgeist Impressions, le premier album de Food Fight, rodé sur scène depuis plusieurs années, contient douze petits hymnes pop-punk (mentions spéciales à Justicing the Deplorables, The Night ou Making Sense, mais le disque est si homogène et si régulier dans sa qualité qu’on peine à ressortir tel ou tel titre). Les guitares y carillonnent sur une basse métronomique et une batterie chétive, tandis qu’Adrien chante comme s’il était le croisement grandi en éprouvette de Paul Heaton et Pete Doherty.
Faussement modestes, les arrangements judicieux élèvent chaque morceau au rang de petit classique instantané. Food Fight raconte des histoires du quotidien, parle du syndicalisme britannique ou critique le management néo-libéral dans un même élan, énergique et mélodique, et n’oublie même pas d’écrire une chanson d’amour à prénom (Judy), évidemment faussement romantique. Bardés de références dont ils s’affranchissent à merveille dans leur musique, les membres du groupe ont accepté de nous livrer la bande-son qui les a inspirés et accompagnés dans la mise au monde de leur passionnant premier lp.
Food Fight sera en concert le 4 octobre à Rennes (Les Ateliers du Vent, release party), le 1er novembre à Paimbœuf (Café de la Loire), le 2 à Vezin-le-Coquet (Ferme en Cavale)…
Adrien, chant
The Members – “Brian Was” (from “The Choice Is Yours“, 1980)
“Les Members sont plutôt connus pour leur one-hit wonder et classique de la power-pop/punk de la fin des années 70, Solitary Confinement. Je trouve que Brian Was magnifie encore plus la beauté de l’ennui des banlieues londoniennes (le groupe vient du Surrey), des terraced houses mitoyennes, de la moquette gluante du pub du coin et du chômage chronique. Une seule solution : une douze-cordes, une mélodie pop de pub et même de la Cowbell. Tout ça pour courir sans but sur un terrain de foot une pinte d’ale à la main afin de fuir à tout jamais la réalité maussade du secteur tertiaire de sa Majesté.”
Bilbo Baggins – “Saturday Night“ (from “S/T 7”, 1974)
“Y a des trucs comme ça qui changeront jamais : les vieux portent des gilets de pêche Décathlon, Bardella est tout naze et le bovverbritannique parle invariablement de la bagarre et des amourettes du samedi soir. Je considère qu’entre Saturday Night’s Alright for Fighting d’Elton John et Saturday Night des géniaux Bay City Rollers, les Écossais de Bilbo Baggins ont produit la meilleure itération “sous-sladienne” de cette thématique ancestrale et raffinée (sans déconner, la section rythmique du couplet et la fuzz du refrain sont incroyables).”
The Whiffs – “It’s Not Over” (from “Scratch’n’Sniff”, 2023)
“On avait joué avec les Whiffs au Panonnica de Nantes en 2021. Excitant vu que j’adore les Whiffs depuis le premier disque/démo du groupe Take A Whiff! sorti sur Drunken Sailor en 2017. Leur petit dernier, Scratch’n’Sniff, est du même tonnage : excellent et tubesque. Anecdote : J’ai conservé le tee acheté lors du concert de 2021, concert qui d’ailleurs ne m’avait pas paru mémorable à ma grande déception. Le truc, c’est qu’en trois ans, j’ai “bêtement” pris un peu de bide. Donc, le fameux T-shirt ne me va plus comme un gant. “Qu’est-ce qu’on en a à faire de ta brioche ?“, vous me demanderez. Eh bien, fait rigolo, lors de la venue du groupe de Kansas City à Paris en mai dernier, le chanteur/guitariste – Rory – s’est souvenu de moi alors même qu’il s’enfilait des mousses depuis 17h et qu’il était passablement raide. Pas peu fier, je me suis mis à lui parler. Notre conversation s’est concentrée sur les bides à bière et la difficulté qu’a le rockeur trentenaire lambda pour s’habiller… (et le concert était mortel). Je leur ai acheté un nouveau t-shirt un peu plus grand ce soir-là.”
Antoine, basse
Tee Vee Repairmann – album “What’s on TV?” (2023)
“Le petit prodige de la scène garage-punk australienne explore ici sa facette la plus pop. Enregistré sur Tascam 388 en moins de temps qu’il n’en faut à Manuel Valls pour retourner sa veste, cet album déjà difficile à choper sur les internets se distingue par sa parfaite nonchalance egg-punk, ses guitares lo-fi et ses mélodies pop bien catchy comme on les aime. L’animal jouerait dans plus de groupes que Nick Wheeldon, je ne croyais pas que cela était possible.”
Kim Fowley – “Motorboat” (from “Living in the Streets”, 2003)
“Je ne me lasse pas de ce merveilleux titre écrit et produit par Kiw Fowley sous le pseudo Jimmy Jukebox, repris dans les 90’s par les Écossais de BMX Bandits. Une espèce de bubblegum à tendance glamouze qui fait la jonction entre les Equals et Slade en célébrant les joies simples du yachting. L’occasion de me rappeler la participation organique de Valentin de Soap Opera à un concert du “Dorian Gray of rock’n’roll” à l’Ubu.”
Holiday Ghosts – “Off Grid” (from “North Street Air”, 2021)
“Difficile de choisir un titre de ce délicieux groupe contemporain de Brighton tant leur prestation au dernier Pies Pala Pop Festival m’a mis en joie. Guitares jangly, chœurs à l’unisson et chant pop à souhait. Holiday Ghost mélange The Clean et l’indie-pop fin 80’s avec une touche flower-punk parfaitement allègre. Signalons enfin une batteuse-chanteuse qui me réconcilie avec la fonction après Phil Collins et le mec des Eagles.”
Jérémy, guitare
The Field Mice – “Sensitive“ (from “Coastal”, 1991)
“Réécouter ce morceau me transit d’émotion, c’est pour moi le véritable joyau de la couronne britannique. Groupe phare du non-moins phare label Sarah Records, The Field Mice rassemble malgré une courte carrière tout ce que j’aime d’amour dans l’indie-pop : des lignes de basse tueuses de dance-floors et une tension essentielle à la musique chez qui sait prendre le temps. Je ne vois d’ailleurs pas la musique sans tension, cela aurait peu de sens pour moi.”
Syndrome 81 – “Vivre et mourir” (from “Prisons imaginaires”, 2022)
“Je ne vais pas m’étaler des milliers d’années sur les milliers de points communs que j’ai avec une forte majorité de la population mais Syndrome 81 résonne particulièrement chez moi. Les fragiles Brestois sont parmi mes champions toutes catégories, peut-être qu’on a les mêmes cicatrices, les mêmes questionnements et la même rage. Plaisir d’offrir, joie de recevoir.”
Primo! – “Comedy Show” (from “Sogni”, 2020)
“Je reste avant tout un enfant du punk le plus bancal et de la pop d’approche brutaliste, mal dégrossie. Me resteront des choses simples et de nombreux groupes vaguement twee sur les bords : Primo!, Distractor, Terry, Television Personalities… Une vague de groupes humbles qui me rappellent que sur scène, on joue en règle générale un petit peu la comédie.”