Dans un second album frissonnant, ce nouvel héritier de Nick Drake allie recherche harmonique et mélodies poignantes. Au coin de la rue, la grâce.
D’emblée, Daudi Matsiko ne vend pas du rêve. Sa discographie révèle une prédilection pour le titre plombé : “An Introduction to Failure” (double EP paru en 2017) ou “The King of Misery” (2024), qui nous occupe ici. Le chanteur et guitariste anglais se présentant en ces occurrences comme « le roi de la misère » ou publiant « un traité de l’échec »… On a connu plus engageant. En outre, Daudi ne cache pas souffrir de dépression, parle de la visée « cathartique » de l’écriture des chansons et s’adresse sans fard à ses auditeurs : “J’espère que cet album mènera à quelque chose de positif, mais au cas où vous seriez aussi déprimé ou dans une situation aussi sombre que celle dans laquelle je me trouvais lorsque cet album a été créé, n’hésitez pas à tendre la main à quelqu’un ou à appeler les Samaritains au 116 123 ou à visiter le site www.samaritans.org, ils m’ont vraiment aidé.” Quel contraste avec sa bonhomie, son sourire perpétuel, son rire sonore en interview ! De même, ses chansons produisent une belle lumière. Dans le sillage de Nick Drake – dûment admiré et étudié de près –, Daudi Matsiko tresse arpèges en open tuning et voix caressante.
Issu d’une famille de musiciens, le guitariste a délaissé le piano auquel il semblait destiné, mais pas la quête des harmonies riches. Sur “The King of Misery”, sa technique du picking fait encore des miracles, de beaux moments de grâce (dont “oMo Man”, “Fool Me As Many Times As You Like”, “Derby’s Dose”…). Le propos est susurré mais pas exempt d’une certaine gravité. Daudi Matsiko, natif de Cambridge et d’origine ougandaise, pose la question de la place et de la différence, non loin de l’injustice sociale. L’espoir demeure néanmoins, et cette candeur est poignante. De même, l’ouverture à l’autre et l’amitié permettraient de conjurer le profond tourment.
“Derby’s Dose”, extrait de “The King of Misery”.
Malgré le coup de projecteur de l’influent Gilles Peterson (BBC Radio 6), l’œuvre de Daudi Matsiko a, pour l’heure, peu traversé la Manche. Tout juste deux premières parties à Paris, au Café de la danse, en ouverture de Portico Quartet (2017) et de GoGo Penguin (2018). Plus récemment, Michka Assayas a donné sur France Inter un écho enthousiaste à ce très beau second album (émission “Very Good Trip” du 15 janvier 2024). Que le voyage prenne une tournure internationale ne serait que justice.