Profitons de ce mois de janvier pour un rattrapage en bonne et due forme de “The Twits“, second album de Bar Italia sorti l’année dernière, seulement quelques mois après l’immense coup de projecteur qu’a représenté “Tracey Denim“.
Il aura suffi d’un disque auréolé de mystère pour que Bar Italia (qui s’écrit en principe tout en bas de casse : « bar italia ») s’impose à nous comme l’une des sensations musicales de l’année qui vient de s’écouler. La discrétion de Nina Cristante, Sam Fenton et Jezmi Fehmi, le charme maladroit de leur indie-rock lo-fi, et un album, “Tracey Denim“, dont le titre a de quoi affoler les heureux détenteurs du 06 de Lawrence. On comprendra aisément pourquoi le groupe s’est retrouvé dans la plupart des tops de 2023, et on aurait tort de mettre de côté “The Twits“ sorti en novembre dernier.
La musique de Bar Italia nous trimballe du rock indépendant teinté de guitares shoegaze au post-punk cathartique en passant par la ballade folk intimiste, parfois au sein d’une même chanson. Nina Cristante, Sam Fenton et Jezmi Fehmi se partagent d’ailleurs le chant (ou la parole) d’un couplet à l’autre, donnant ainsi à chaque morceau une richesse étrangement fractale, comme un flux, une playlist intarissable qui évoque les plus grands groupes rock de notre adolescence. Sur “The Twits“, le chant du trio est probablement moins maladroit et attendrissant que sur “Tracey Denim“, mais la production classieuse donne une force supplémentaire au disque. Moins bidouillé, plus ouvert vers l’auditeur, chaque titre y gagne en profondeur pour ne plus nous lâcher.
Bar Italia a commencé de donner quelques concerts et ça s’entend. Sur l’inaugurale “My Little Tony“, une section rythmique au cordeau pousse le trio et apporte juste ce qu’il faut de tension pour un titre peu radin en guitare. Plus calme, “Sounds Like You Had to Be There“ semble s’évaporer devant nous avec son riff sorti tout droit de la sainte trinité Felt / Galaxie 500 / Cigarettes After Sex. Avec “Jelsy“, le groupe tente même la ballade folk, mélodique, lumineuse, tout en restant un brin cagneuse. En comparaison, “Hi Fiver“ joue de ses accords distordus, déformés pour transformer son énergie négative en une chanson parfaite pour faire le tri parmi ses proches.
Il faudra voir sur scène si le trio dépasse son statut de sensation musicale pour top de fin d’année ; il sera en concert à Paris, à la Cigale, au mois de mai prochain. On prend déjà rendez-vous, on est déjà sûr que “World Greatest Emoter” sera parfait. D’ici là, on s’abreuve de leur pop déliquescente, de leur chant profondément émouvant et de leurs histoires de jeunes gens qui se fichent bien de ce que l’on pense d’eux. Chanter à trois s’est souvent plus simple, on ne dévoile pas tout, on se protège, on cultive le mystère. Il n’en faut parfois pas plus pour écrire un classique instantané.